Procès en appel de 5 profanateurs du cimetière juif de Sarre-Union

La Maison des Potes était en procès en appel contre 5 profanateurs du cimetière juif de Sarre-Union le 18 mai 2021 devant la Cour d'Appel de Colmar. Les profanateurs avaient détruit 250 tombes le 15 février 2015. Le Tribunal pour enfants de Saverne avait condamné, le 15 septembre 2017, les 5 profanateurs jugés, à des peines de prison avec sursis allant de 8 à 18 mois et à des travaux d'intérêt général.

Sur les "intérêts civils", l'affaire, après une multitude de reports, avait été renvoyé à une audience du 28 septembre 2018 pour permettre la réalisation d'expertises sur les coûts des travaux de réparation des tombes fracturées. Le Tribunal pour enfants de Saverne avait rendu son jugement pour la réparation des préjudices matériels et moraux des parties civiles réclamée par les familles des défunts dont les tombes ont été détruites et profanées et par les associations de lutte contre le racisme : La Maison des Potes-Maison de l'Egalité, la LICRA, le MRAP, le Consistoire Israélite du Bas-Rhin, le Bureau National de Vigilance Contre l'Antisémitisme (BNVCA) et SOS Racisme du Haut-Rhin. 

Contre toute attente, le 28 septembre 2018, le Tribunal pour enfants de Saverne (avec de nouveaux juges qui était absents le jour du procès pénal), a décidé de rejeter toute réparation du préjudice pour les associations dont l'objet est la lutte contre le racisme (Maison des Potes-Maison de l'Egalité, MRAP, SOS Racisme) en prétendant que le caractère raciste des dégradations n'aurait pas été retenu et en prétendant que l'article du Code de procédure pénale qui donne le droit de constitution de partie civile aux associations antiracistes ne permettrait pas de le faire pour le délit de profanation de tombes avec un mobile raciste.

Pourtant, l'enquête de police, l'instruction, l'audience a clairement démontré que les jeunes profanateurs étaient adorateurs de Hitler, qu'ils ont fait des saluts nazis et ont tenu des propos antisémites durant la profanation. Ils étaient très proches du Front national pour les uns et du mouvement Skin head - National socialiste pour les autres.

Pour que 5 ou 6 jeunes démolissent pendant toute une après-midi non pas 10, non pas 20 mais 250 tombes d'un cimetière juif en criant "Heil Hitler !" et "Mort aux juifs", il faut une sacrée haine antisémite. L'enjeu pour la Maison des Potes était d'identifier les adultes qui ont endoctriné ces 5 profanateurs dans la haine des juifs.

Lors du procès des jeunes profanateurs, la Maison des Potes a fait apparaître les liens entre les jeunes profanateurs et les mouvements d'extrême droite Skinhead et FN en soulignant la venue de Jean-Marie Le Pen à la veille de la profanation. Ce dernier était venu à la rencontre de l'entourage des profanateurs pour dire en réunion publique, quelques semaines après les attentas de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, qu'il n'était pas Charlie Hebdo mais qu'il était "Charles Martel". 

L'enjeu du procès en appel est de faire en sorte que le caractère raciste et antisémite des dégradations et des profanations soit bien établi et qu'en conséquence la Maison des Potes et les associations de lutte contre le racisme soient admises comme parties civiles et obtiennent réparation du préjudice des délits racistes que les profanateurs ont commis. 

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Le 6 juillet 2021, la Cour d'appel de Colmar a rendu son arrêt concernant la réparation du préjudice moral de la dégradation par 5 jeunes néonazis le 15 février 2015 de 250 tombes du cimetière juif de Sarre-Union, accompagnée de paroles antisémites et de cris d'adoration de Hitler. 

La Cour d'appel a décidé de débouter la Maison des Potes de ses demandes de réparation du préjudice moral contre les 5 jeunes néonazis. 

La Maison des Potes a donc décidé de se pourvoir en Cassation. C'est un pourvoi en cassation très important qui va permettre de "dire le droit" des associations de lutte contre le racisme à être partie civile lorsque des néonazis dégradent et profanent des cimetières juifs comme ce fut le cas en Alsace.

Nous avons confié à Me Jean-Philippe Duhamel, notre avocat à la Cour de cassation, le soin de démontrer devant la plus haute cour que lorsqu'il est établi qu'un délit (ici une dégradation) est commis avec la motivation de s'en prendre à autrui du fait de sa religion ou de son origine, une association dont l'objet est la lutte contre le racisme doit être admise comme partie civile et recevoir réparation du préjudice subi, sans qu'il soit nécessaire que la circonstance aggravante du caractère raciste ait été visée (cette circonstance aggravante est une possibilité offerte depuis 2004). L'enjeu est aussi de démontrer que, lorsqu'une tombe est profanée (ouverte) pour une motivation raciste (ici, parce que juive), une association de lutte contre le racisme peut se constituer partie civile et recevoir réparation du préjudice (ce qui est aussi possible depuis 2004). 

La défaite que nous avons subi le 6 juillet 2021 devant la Cour d'appel de Colmar devra être réparée par la Cour de cassation qui doit réaffirmer le droit accordé aux associations de lutte contre le racisme d'être partie civile aux côtés des victimes de racisme depuis l'adoption à l'unanimité du parlement français de la loi Pleven le 1er juillet 1972, il y a 50 ans. Même en Alsace, le droit français doit s'appliquer !