Droit de vote des étrangers : une citoyenneté qui dérange

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Après le Mariage pour Tous, quelle stratégie contre le renoncement au droit de vote des étrangers non-européens ? Comment combattre le racisme des adversaires du Droit de Vote ?

Benjamin Stora (Historien, Professeur à l'université Paris-XIII et à l’INALCO)

Julie Hollard (Avocate et membre du CE du PRG pour la Justice et les Droits Nouveaux)

Pierre Tartakowsky (Président de la LDH)

Habiba Bigdade (Elue de la ville de Nanterre, animatrice de la campagne droit de vote 2014 au sein de la LDH)

Saadane Chaitelma (Ancien marcheur de la Marche pour l’Egalité de 1983)

Hyacinthe Diouf (Président de la Maison des potes de Dijon)

 

 

 

Julie Hollard : Je suis membre du Parti Radical de Gauche, du comité exécutif. Je suis avocat. (Moi j’aime dire avocat).

Saadane Chahitelma : J’interviens dans cette table ronde par rapport au fait que je suis un ancien marcheur de 83, et qu’une de nos revendications en 83 par rapport à la Marche pour l’égalité était entre autres celle du droit de vote des étrangers.

 

Pierre Tartakowsky : Je suis président de la ligue des droits de l’homme et je suis là parce que tout ce qui touche au droit nous ait étranger qu’il s’agisse du droit des étrangers ou des autres. Celui du droit de vote nous préoccupe depuis maintenant très très longtemps.

 

 

 

 

 

Benjamin Stora : Je suis historien, et professeur des universités. Je ne suis pas un marcheur, mais j’étais dans la Marche de décembre 1983, la Grande Marche, donc il y a trente ans. Et effectivement dans cette Marche de 1983, j’étais un militant à l’époque très très engagé, dans les mouvements antiracistes etc., et à l’époque la revendication effectivement qui était avancée par les manifestants était déjà celle du droit de vote pour les étrangers. Et déjà à l’époque il y avait cette bataille idéologique sur le fait de savoir si donner le droit de vote aux étrangers risquait disons d’affaiblir la gauche et monter le front national puisqu’à l’époque en 1983 c’était aussi une grande élection test qui avait eu lieu qui était celle de Dreux, la municipale de Dreux. Et à l’occasion de cette bataille de Dreux, donc on avait vu pour la première fois en France, l’apparition d’un Front National très fort en 1983. Et donc toute la bataille idéologique de cette époque-là, c’était de savoir s’il fallait donner le droit de vote aux étrangers au risque disons en donnant ce droit supplémentaire de donner une tribune disons à ceux qui étaient les partisans de la xénophobie et du nationalisme entre guillemets français exacerbé qui étaient les partisans du Front National. C’était à peu près les termes du débat il y a 30 ans. 30 ans. Comme le temps passe vite. 30 ans déjà. Donc les termes du débat ont un petit peu changé. Je pense que dans la table ronde qui aura lieu là tout de suite après, on aura l’occasion de voir à peu près quelles sont les métamorphoses, les discussions, peut-être les débats, qui ont eu lieu, qui n’ont pas eu lieu, autour de cette question du droit de votes des étrangers. Mais là, simplement, à la demande de Samuel qui m’a fait l’amitié de m’inviter aujourd’hui pour faire une très courte intervention, c’était peut-être de dresser une sorte de parallèle historique à partir de l’exemple algérien sur le fait que la gauche n’ait pas donné un droit supplémentaire à une fraction de la population ce qui a non seulement contredit son programme en terme de principe, de moral et d’éthique mais aussi a permis ou a ouvert la voie à une droite très forte, xénophobe et radicale, et l’exemple effectivement qui est le plus spectaculaire à ce niveau-là dans l’exemple Algérien, c’est ce qu’il s’est passé donc dans l’année 1936 où il y avait eu la volonté par la gauche de vouloir donner la citoyenneté française à un certain nombre de ceux qu’on appelait à l’époque entre guillemets les Algériens Musulmans qui n’avaient pas la possibilité d’exercice de cette citoyenneté ce qui était déjà un paradoxe pour le moins étonnant puisque l’Algérie à l’époque en 1936 était considérée comme un territoire français, comme des départements français à part entière mais avec cette contradiction coloniale tout à fait typique, c’est-à-dire entre cette intégration à la nation française sur le plan administratif et le refus d’accorder la citoyenneté pleine à une majorité en fait de ceux qui composaient les habitants de ce  cette volonté qui a eu la gauche de l’époque s’était exprimée à travers un projet qu’on a appelé le projet Blum-Violette. Le projet Violette était le nom d’un gouverneur général de l’Algérie qui s’appelait Maurice Violette, et qui avait été gouverneur dans les années 20 et qui avait expliqué dans un livre qui était sorti en 1929 l’Algérie vivra-t-elle où il expliquait que s’il y avait pas la possibilité pour l’Algérie d’évoluer par la réforme en donnant le droit de vote à une catégorie de la population, et bien, des élites en particulier, et bien le risque était très grand que l’Algérie disparaisse dans sa forme de l’époque, c’est-à-dire rattachée à la France. C’était le titre de son ouvrage en 1929, livre prophétique pourrait-on dire qui s’appelait L’Algérie vivra-t-elle ? Maurice Violette était un homme de gauche et il était par conséquent en 1936 l’homme qui avait fait ce projet de loi pour donner la citoyenneté, le droit de vote à environ 20 000 Algériens Musulmans, ce droit de vote selon ce projet de loi était attribué en fonction de critères sociaux d’ailleurs, c’est-à-dire de ceux qui jouissaient d’une certaine fortune ou bien qui avaient servi dans les rangs de l’armée française parce qu’il y avait aussi la question du passage par l’armée (des officiers, des sous-officiers, etc. puisqu’en particulier on sait que pendant la 1ère guerre mondiale de 14-18 un certain nombre de coloniaux disons avait servi dans les rangs de l’armée française et certains d’entre eux à la fin de cette guerre avaient accédé dans les années 20, dans les années 30 à la possibilité d’accéder à un rang à un statut de sous-officier) et donc il y avait dans ce projet de loi la volonté disons d’ouvrir à une certaine catégorie très petite, hein très très petite vraiment minuscule (20 000 personnes c’est vraiment pas beaucoup hein par rapport aux 5 ou 6 millions d’Algériens de l’époque c’était vraiment extrêmement limité, extrêmement réduit) et comme on le sait ce projet de loi Blum-Violette n’a jamais vu le jour. Il a été discuté en conseil des ministres, approuvé etc., mais il n’a jamais été présenté à l’assemblée nationale. Il n’a jamais été même rejeté par l’assemblée nationale. Il n’a pas été mis en débat. Fondamentalement il est resté au stade et à l’ébauche de projet hein qui va rester dans les esprits… qui va rester dans les esprits parce que l’histoire de l’Algérie, de l’Algérie coloniale en particulier, est un réservoir inépuisable de références du point de vue des occasions perdues, des bifurcations inabouties, des chances gâchées, ce qu’on a appelé les occasions perdues, et qui comme on le sait ont abouti 20 ans plus tard à la Guerre d’Algérie. Fondamentalement à un affrontement violent. Donc à travers cet exemple de 1936, mon propos n’est pas d’expliquer que s’il y avait eu, par exemple l’application du projet Blum-Violette, la revendication indépendantiste qui existait déjà en 1936 n’aurait pas pu se poser, mais tout au moins la possibilité de donner le droit de vote ou l’exercice de la citoyenneté à une catégorie de la population aurait modifié les termes du débat, c’est-à-dire aurait en particulier permis à mon sens de pouvoir faire émerger des interlocuteurs politiques importants par rapport à la France de cette époque-là et aurait pu permettre de préparer la possibilité de l’existence d’une nation algérienne avec la possibilité de concertation, de négociation politique et de rester sur le champ politique.

Or ce projet n’a pas vu le jour parce qu’une majorité d’élus de l’époque européens l’ont refusé. Et la gauche a reculé sur cette question et ne l’a pas présenté au Parlement. Ce qui fait que l’année suivante, en 1937, la gauche républicaine de l’époque a perdu toutes les municipalités aux élections en Algérie. On a eu par conséquent un renforcement de cette droite forte, avec trois ans plus tard, cette même droite qui va accueillir avec ferveur le régime du Maréchal Pétain et de Vichy, donc de l’extrême droite. L’histoire s’est accélérée, on est passé d’un refus de droit à une sorte de décomposition du champ politique, et dans la décomposition du champ politique, la force montante qui s’est affirmée c’est celle de l’extrême droite qui va prendre le pouvoir en fait. Et dans l’histoire de France, on peut dire que c’est la seule fois où l’extrême droite a réellement pris le pouvoir en 1940 avec le régime de Vichy. On a fondamentalement dans cette histoire à tirer un certain nombre de leçons sur l’actualité et le présent. Encore une fois, il ne s’agit pas dans ce récit historique de minimiser la revendication nationaliste qui s’exprimait à cette époque par l’intermédiaire d’un courant politique incarné par Messali Hadj. Mais il y avait un autre courant à cette époque incarné par Ferhat Abbas ou le Docteur Djenoun. Eux plaidaient pour l’apprentissage citoyen, c’est-à-dire la question de l’éducation, de la citoyenneté permettant de poser les termes de l’existence ou pas d’une nation algérienne, qui était l’obsession de Ferhat Abbas. Pour lui il s’agissait de dégager une élite politique qui permettait d’affronter les défis de l’existence d’une nation qui pouvait exister par la suite ; or comme on le sait, le refus de structurer un champ politique à partir de l’existence de la citoyenneté. C’est-à-dire que le champ politique ne va pas se structurer à partir de ce moment-là par l’exercice citoyen, démocratique ; mais il va se structurer au contraire dans la radicalité, dans le fait de vouloir la séparation, l’affrontement politique. Sortir du statuquo ne peux pas passer par le champ politique traditionnel mais doit passer par d’autres procédés, d’autres principes, d’autres façons d’agir, etc… Cela a débouché bien sûr en 1945 sur les massacres de Sétif. Et on a pu croire aussi à ce moment-là que la leçon serait entendue, qu’il y aurait une ouverture. Cela a abouti en fait en 1947 sur un statut de l’Algérie qui était la division de la citoyenneté en deux collèges : le collège européen et le collège indigène. Ce n’était pas la citoyenneté pleine qui était proposée. C’était fondamentalement une citoyenneté à deux vitesses. Une citoyenneté pour les Européens d’Algérie qui devaient représenter à peu près un million de personnes, et des élus au deuxième collège indigène qui représentaient environ 7 millions de personnes. Il y avait le même nombre d’élus dans les deux collèges. La situation était fondamentalement inégalitaire. Il n’y a pas eu, encore une fois, de leçon politique qui ont été tirées pour essayer de maintenir un champ politique qui était celui de la réforme et de la discussion politique. A partir de là, l’arrivée d’une nouvelle génération qui pense que les leaders politiques sont dépassés et qu’il faut passer à une autre forme d’action, d’intervention, de réflexion va déboucher sur l’affrontement ouvert, brutal, violent au désespoir de ceux que l’on va appeler dans les années 50-60 en Algérie les libéraux. Des gens comme Albert Camus ou d’autres qui pensaient possible la cohabitation harmonieuse entre les deux communautés par le retour à un champ politique traditionnel démocratique. Ce qui n’était plus possible à mon sens dans la mesure où le statuquo devenait impensable et impossible.

On a peut-être des réflexions à tirer sur ce type de processus, cet engrenage. Il faut se méfier en histoire des anachronismes, du fait de superposer une situation sur une autre. Mais on doit réfléchir sur le fait que les réformes différées au nom d’arguments qui sont toujours un peu les mêmes : la société n’est pas prête, les élites ne sont pas d’accord, il faut attendre, il faut être patient, etc… Ce type de réflexion n’a pas permis d’enrayer les courants xénophobes ou nationalistes qui sont encore plus fort qu’avant. L’argument qui consiste à dire de manière pédagogique : il faut expliquer puis ensuite prendre la décision politique, dans le fond est démenti par l’expérience politique réelle. En 30 ans, les courants de droite et d’extrême droite sont restés dans l’exemplarité algérienne, au point qu’un courant se réclamant du gaullisme, c’est-à-dire l’UMP, qui avait été un acteur dans la décolonisation, ce courant-là s’est considérablement rapproché du courant d’extrême droite qui, lui, voulait la mort du Général de Gaulle. A l’intérieur-même de cette formation qui se réclame du gaullisme, il y a des gens qui ouvertement se réclament d’une continuité avec l’OAS, avec l’Algérie française. On est dans une situation d’aggravation et non d’apaisement par la pédagogie, la discussion. Cela signifie qu’en politique soit on prend la décision conforme à la morale, à l’éthique, et à ce moment-là on montre à la société une certaine force. Soit au contraire, on fait preuve de faiblesse, d’interrogation, de réflexion sur soi. Il s’agit d’un très vieux débat. Dans les années 80, on pouvait encore espérer en une dynamique pédagogique permettant de faire progresser l’idée de droit de vote des étrangers. En associant ceux qui vivent depuis longtemps dans la cité, qui y travaillent, y paient des impôts et donc ont le droit de peser sur la vie électorale, on était en droit d’attendre que tout cela se traduise concrètement par une décision. Or, le fait qu’on perde du temps à mon avis depuis 30 ans, fait qu’on a oublié le fait qu’il y a des gens ici depuis 30-40 qui ne peuvent toujours pas voter. Ceux-là transmettent à la génération suivante, leurs enfants, petits-enfants, qui ont sont devenus français par l’histoire classique, l’idée qu’il y a deux catégories de citoyens : ceux qui peuvent voter et ceux qui ne peuvent pas voter. Il y a une sorte d’instauration dans les faits d’une dualité de collèges. Il y a des retours d’histoire et de mémoire qui sont assez troublants.

 

Pierre Tartakowsky : Quelle stratégie développer pour gagner le droit de vote et combattre le racisme sous-jacent ? Ce qui nous réunit à travers cette revendication n’est pas un sentiment victimaire. Nous ne sommes pas là pour défendre des gens qui seraient éternellement victimes de l’histoire, du racisme. Nous sommes là pour examiner ensemble comment nous pouvons mener ensemble une offensive démocratique. Parce que ce n’est pas seulement le droit de vote qui se porte mal en France, c’est la démocratie. Elle se porte même très mal. Nous ne pouvons pas séparer cette vieille revendication d’autres combats qui s’articule à cette revendication. Il nous revient d’abord de rappeler que la situation présente est une injustice. Il est faux de dire que les étrangers ne votent pas en France. Et il faut le répéter sans cesse car beaucoup de nos compatriotes l’ignorent. Il y a des étrangers qui votent en France aux élections locales. Le rappeler change tout parce que cela soulève la question de savoir pourquoi certains votent et pourquoi d’autres ne votent pas. Et cela change considérablement les termes du débat. Car bien évidemment lorsqu’on commence à répondre, on est bien forcé de faire intervenir l’histoire, le poids de l’extrême-droite dans ce pays, une gestion extrêmement toxique de l’héritage post-colonial et de dire que ces questions sont en train d’entraver le développement de la France. La question sur laquelle il faut insister est que cette affaire n’est pas un handicap ou une stigmatisation seulement pour ceux qui sont privés de vote, de droit de vote et d’éligibilité. C’est un handicap et une stigmatisation pour tous les citoyens. D’une certaine manière on peut dire qu’il y a deux types de citoyens : ceux qui sont pleinement citoyens parce qu’ils ont le droit de vote et ceux qui ne le seraient pas parce qu’ils en seraient privés. Mais ça n’est pas vrai. Dans une situation de cet ordre, il n’y a pas de vrai citoyen. Quelque part, le fait qu’une partie du pays soit privé d’un certain nombre de droits rattachés à la citoyenneté rabaisse la citoyenneté pour tout le monde, et met en péril la citoyenneté de tout le monde. Parce qu’au lieu d’être un absolu républicain cela devient une notion qui serait négociable. La troisième chose sur laquelle il faut insister, même si cela a peut-être progressé, c’est : plus on recule et moins on avance. Il y a une grande différence entre reculer et ne pas avancer. Or, ces derniers temps, on nous a fait reculer. Et ces reculs sont profondément toxiques. D’abord parce qu’évidemment ils renforcent les idées les plus archaïques, les plus réactionnaires : la xénophobie, le nationalisme refermé sur lui-même, la crainte de l’autre. Ces questions sont portées par une société qui globalement a peur. Elle a peur du déclassement, du vieillissement. Ces choses-là ne sont pas à prendre à la légère, mais auraient mérité qu’on les prenne comme un taureau par les cornes, et qu’on en fasse un débat public, soutenu, militant, courageux. Or la plupart des forces politiques, sur ces enjeux, ont préféré adopter la stratégie de l’autruche et cette stratégie a payé pour l’adversaire. Parce que quand on ne traite pas les problèmes, ils prennent une importance plus grande. Le débat est devenu toxique à gauche, parce qu’il y a maintenant deux majorités qui s’affrontent, y compris à l’intérieur de la majorité présidentielle, l’une qui dit que ce n’est pas une priorité, les gens ne nous le demandent pas. Qu’elle inversion des choses ! On pourrait penser que c’est aux partis politiques de déterminer les priorités dans un débat avec le peuple. Mais non, là on a des partis qui d’un seul coup se découvrent uniquement serviteurs d’une vox populi dont on ne sait pas très bien ce qui l’inspire, ce qui la structure. Et puis, une partie des militants qui ne comprennent pas ce que leur disent leurs dirigeants, je pense aux militants du PS, ce qui contribue à les déstabiliser profondément. Ce qui est extrêmement toxique également, et la gauche est en train d’en faire la démonstration, c’est qu’il y a tout une partie de la population qui vit, travaille sur ce territoire national, qui ne vaut pas la peine qu’on prenne le risque de la défendre. Et cela est effroyable parce que cela se paiera sur le plan électoral. Mais c’est effroyable sur le plan de la démocratie, sur le plan du politique. Qu’un parti au gouvernement en soit arrivé à expliquer que ces questions, qui sont des questions du vivre ensemble, de la société, de la qualité de la vie démocratique soient secondaires c’est une immense défaite idéologique qui va beaucoup plus loin que la population qui est concernée. Dernier point, ce qui est en jeu n’est pas séparable de la lutte qu’il nous faut mener contre l’extrême-droite, et par extrême-droite je n’entends pas simplement le Front National, j’entends l’ensemble du corpus d’idées qui sont en train de substituer à la complexité du débat démocratique des réponses extrêmement simples basées sur la dimension magique de la nation, de l’enfermement national, du rejet de l’autre et de la haine de l’autre, quel qu’il soit. Je ne veux pas le définir moi-même parce que ce serait entrer dans un piège. Ce qui s’est passé autour des mobilisations contre le mariage pour tous est de ce point de vue très intéressant. On est parti d’un slogan plutôt rassembleur et souriant « Un papa et une maman pour chaque enfant » et on est arrivé à des appels de manifestations contre le siège de la Franc-maçonnerie. On parlait tout à l’heure des années 30, on sent bien là qu’il y a un lien qui s’opère dans la mémoire collective avec des mobilisations de la droite extrême telle qu’elle a existé au plan historique.

Que nous reste-t-il à faire dans cette situation ? Je crois que la première chose est de veiller vraiment à ce que la bataille que nous menons pour le droit de vote et d’éligibilité soit bien compris comme une bataille pour la démocratie, pour le progrès, pour le bien-être social. On ne sortira pas de la crise telle qu’elle est aujourd’hui sans le droit de vote pour les étrangers. Le droit de vote pour les étrangers ne sera pas une panacée pour sortir de la crise, mais s’il est vrai que pour contrer les périls, il faut mobiliser toutes les énergies, alors je ne vois pas comment on peut d’emblée priver d’un certain nombre de droits, de capacité à s’exprimer et à être entendu, une grande partie de la population qui vit et qui travaille sur le sol national.

La deuxième chose, c’est qu’il faut continuer à s’accrocher comme des fous à la notion d’égalité. Cela a l’air d’être un truisme puisque c’est gravé aux frontons de nos mairies et écoles mais la notion d’égalité n’a jamais été autant remise en cause qu’aujourd’hui, par la notion-même du marché, l’éloge de la concurrence dont nous ne sommes pas sortis, par la pusillanimité avec laquelle l’équipe gouvernementale la défend. De ce point de vue, nous ne sommes sortis ni du thatchérisme, ni du sarkozysme. Nous avons réussi à changer l’équipe gouvernementale, c’est un progrès. Mais nous pouvons constater chaque jour qu’il ne suffit pas de changer l’équipe gouvernementale pour construire le changement.

 

Nous avons donc un agenda qui est relativement clair mais relativement serré. Nous savons qu’il existe une vraie difficulté autour du droit de vote des étrangers. C’est celle du Congrès. Nous considérons à la Ligue des Droits de l’homme que si le gouvernement avait été courageux, s’il avait été convaincu jusqu’à la moelle des os, nous aurions été à une procédure référendaire multiple et nous l’aurions emporté. Mais, on ne va pas refaire le match. D’élection partielle en élection partielle, on sait que cette majorité est de moins en moins majoritaire et que le Congrès a disparu sans même d’ailleurs qu’on nous en parle. Il devait moderniser et démocratiser la vie française, il a été in fine ramené à une peau de chagrin puisqu’il ne portait plus qu’un seul projet, portant sur la justice qui était important d’ailleurs. Il ne se tiendra pas. Et on peut craindre à cet égard que la grande réforme de la justice, qui aurait pu être la grande réforme de ce quinquennat, ne se fasse pas. Donc la marche de manœuvre qui nous est laissée est relativement étroitement.

Que proposons-nous. D’abord, nous proposons de ne pas abandonner cette revendication, de ne pas considérer que parce que le calendrier nous serait défavorable, nous aurions tort. Nous avons raison et nous allons nous battre. Deuxième chose, et je crois qu’elle est bien engagée, il faut nous rassembler autour de la commémoration, dans le bon sens du terme, de la Marche pour l’Egalité, car cette marche parlait du droit du vote. Il faut continuer à en parler, et que toutes les forces qui s’agrègent pour combattre les discriminations, le racisme, réclamer des réformes structurelles pour les combattre, impliquent cette dimension du droit de vote et de l’éligibilité dans leurs revendications. Enfin, nous avons devant nous deux élections extrêmement importantes et qui donnent lieu à des restructurations de fond de forces qui s’opposent au droit de vote. Nous aurons donc chacun à notre place, chacun avec notre responsabilité, sans amalgamer des choses qui ne peuvent être amalgamées, nous aurons à réfléchir à la façon dont nous pouvons combiner nos valeurs et nos campagnes pour faire au maximum échec à l’extrême-droite telle que nous la connaissons à travers le visage souriant de Marine Le Pen ; mais aussi à toutes les extrêmes-droites telles qu’elles sont en train de se restructurer au sein-même de la droite républicaine. Il y a toujours eu en France, avant le gaullisme et pendant le gaullisme, une tradition autoritaire de la droite. C’est cette tendance qui entend revenir aux affaires. Elle entend le faire en piétinant la cause des travailleurs et des résidents étrangers dans ce pays. Il nous revient à tous de dire que ce n’est pas l’affaire des étrangers, c’est l’affaire de l’abaissement de la démocratie ou de son triomphe. Sachons travailler ensemble pour son triomphe.

Cela fait 30 ans que cette revendication est portée dans ce pays, elle l’a été par des associations et le mouvement associatif. Evidemment, le moteur du changement dépendra de nos mobilisations. Cependant ne soyons pas binaires. Il y a dans ce pays des militantes et des militants qui n’ont pas jeté le manche après la cognée, qui sont tout aussi conscients que nous que cette affaire peut promettre de faire progresser le pays et qui sont de manière sincère et convaincue des militants du droit de vote et de l’éligibilité des résidents étrangers. La difficulté qui s’est cristallisée autour du Congrès et du fait que le PS n’était pas uni autour de cette revendication, ne doit pas nous cacher ni les difficultés, ni la réalité des atouts. La réalité des difficultés c’est que, profondément, au lendemain de la victoire de la gauche, il y a un reflux de l’opinion publique autour de cette question. Cela s’enregistre dans tous les sondages. Il faut en tenir compte évidemment. Sans doute aurait-il été bon de descendre dans la rue et de pouvoir réclamer. Les conditions n’étaient pas tout à fait réunies. Je rappelle que la situation que nous avons lancé tous ensemble n’a recueilli que 80 000 signatures, ce qui est extraordinairement peu. Il faut que cela nous fasse réfléchir. Mais il y a aussi beaucoup d’atouts dans ce pays. Parmi le monde des associations, avec les organisations syndicales qui se sont engagées dans ce combat comme jamais elles ne l’avaient fait et il faut les saluer, et bien évidemment parce que dans le monde politique, à gauche, et même parfois au centre sur les marges de la droite, il y a des militants qui sont décidés à mouiller la chemise pour cette revendication. Mais essayons de mobiliser tout le monde.

 

 

Julie Hollard : Je vais réagir aux propos de Pierre que je connais puisqu’il nous a accompagnés dans des débats qu’on organise un peu partout en France. Il m’avait à Aulnay-sous-Bois au mois de février dernier, sur le fait qu’effectivement les associations et les citoyens pouvaient avoir une action décisive dans la mesure où ils pouvaient interpeler leurs élus locaux. Approchent les élections municipales en mai prochain. J’étais convaincue par l’argument de Pierre qu’il nous avait avancé à ce moment-là qu’il appartient à chacun, aux citoyens, aux étrangers, à ceux qui votent d’aller voir leurs élus en leur posant la question droit dans les yeux : « Alors le droit de vote pour les étrangers non-communautaires, est-ce que vous êtes pour, est-ce que vous êtes contre ? » C’est très important parce que pour un maire, c’est un vrai enjeu électoral et un vrai enjeu de politique locale. Sur une mairie de périphérie d’une grande ville quelconque, on fait vite le calcul qu’il y a des dizaines de milliers de personnes qui vivent dans une municipalité, auxquels s’appliquent les arrêtés municipaux et qui n’ont pas voix au chapitre lorsqu’il s’agit d’élire les conseillers municipaux et le maire. Imaginez dans la tête d’un maire qui fait des calculs électoraux, qui veut être réélu, le poids de ces résidents extra-communautaires. Donc aller interpeler dans sa permanence ou dans sa mairie, tel ou tel élu, cela peut être un élément déterminant parce que ce maire va répercuter les forces des citoyens sur les élus au Parlement au sein de son parti. Il y a un effet d’entraînement qui revient à chaque citoyen, à chaque association, et ce ne sont pas seulement aux partis politiques qui sont engagés d’agir en ce sens. Le PRG l’est sans aucune hésitation.

Travaillant sur le sujet et étant très mauvaise historienne, j’ai quand même repéré quelques éléments historiques sur l’histoire du droit de vote en France. Comme tout le monde le sait, avant 1789, nous n’étions que des sujets, et en 1789 nous sommes devenus des citoyens. Mais pour un très faible nombre d’entre nous seulement, puisque le suffrage était censitaire et qu’il fallait payer l’impôt pour avoir le droit de vote et payer encore un peu plus d’impôt pour être éligible. Les constituants de la première république, en 1791, étaient les mêmes philosophes et intellectuels qui avaient rédigé la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Ces philosophes et intellectuels étant universalistes, dans la première Constitution qui n’a jamais été appliquée mais qui a une force philosophique et historique très forte, le droit de vote des étrangers  était accordé à tous sous réserve d’avoir nourri un vieillard, adopté un enfant, épousé une Française, bref il y avait un certain nombre de critères constitutionnels très généreux et universalistes mais qui n’ont pas été retenus.

Et puis ce sont affrontées deux écoles, en 1790, et ces deux écoles continuent de s’affronter aujourd’hui : l’école de la souveraineté populaire incarnée par Rousseau et dont le PRG se sent proche, et je pense que la LDH aussi, et l’école de la souveraineté nationale incarnée par Sieyès. Le principe de la souveraineté nationale était que la nation choisissait ceux qui allaient élire ses représentants. Sieyès estimait donc qu’il fallait payer l’impôt. La souveraineté populaire développait l’idée qu’à l’intérieur d’un territoire donné, tous ceux qui le peuplaient devaient avoir accès au droit de vote. On en a encore aujourd’hui des illustrations. Concernant la souveraineté nationale, un député représente la nation et pas seulement les électeurs de sa circonscription. Concernant la souveraineté populaire, illustration fracassante en 1992 puis en 2001, lorsqu’on a donné le droit de vote aux citoyens de l’Union Européenne. Tous ceux qui peuplent la nation France ont accès au droit de vote européen et d’éligibilité locale. Donc la notion défendue par Sieyès qui liait le droit de vote à la nationalité s’est totalement étiolé, puisque maintenant des non-nationaux, citoyens de l’Union Européenne, ont accès au droit de vote. L’histoire du droit de vote est lié à l’histoire de la République qui a fait des progrès petit à petit entre 1789 et nos jours, qui doit faire encore des progrès notamment pour le droit de vote des étrangers et c’est une évolution permanente. Par exemple, le droit de vote pour les femmes n’a été acquis qu’en 1944 avec un premier vote en 1945. Il est d’ailleurs assez drôle de faire une comparaison entre les arguments contre le droit de vote des étrangers et les arguments contre le droit de vote des femmes jusqu’en 1944.

Pourquoi refuser le droit de vote aux femmes ? Les plus extrémistes de la droite au début du vingtième siècle disaient que c’était parce que les femmes n’avaient pas d’âme et que par conséquent, on ne pouvait pas leur laisser la gestion des affaires publiques. Les choses ont un peu évolué. Les radicaux socialistes étaient des opposants au droit de vote des femmes d’ailleurs, mais heureusement ils ont bien changé aujourd’hui. On estimait que les femmes étaient sous la coupe de l’Eglise, et que par conséquent elles allaient voter à droite, et que nous socialistes qui étions aux affaires à l’époque allions perdre des voix. On peut transcrire ces arguments aujourd’hui, parce que parmi les arguments que les opposants essayent d’avancer et auxquels on s’oppose, disent que les étrangers seront sous la coupe de communautarismes, de mouvements religieux qui prendraient le pas sur la politique locale. Les arguments sont les mêmes et nous les combattons pied à pied.

L’histoire du droit de vote est un progrès continuel. Le sens, jusqu’en 1948, n’a cessé, parfois au prix de certaines révoltes, s’est petit à petit étendu parce qu’il fallait payer 500 francs pour avoir le droit de vote à l’époque, puis il a été abaissé à 200 francs, faisant passer le nombre d’électeurs de 40 000 à 200 000. Finalement le collège électoral, au fil des aléas historiques multiples, s’est étendu jusqu’en 1948 où l’on a obtenu le suffrage universel sur lequel on n’est pas vraiment revenu, même s’il y a eu à certains moments des adaptations sous la Restauration. Aujourd’hui, on cherche encore à l’étendre sans aucun scrupule et sans aucun complexe et c’est notre combat. 

 

 

 

Pierre Tartakowsky : C’est un argument très fort l’argument qui consiste à lier la nationalité avec la citoyenneté. C’est un argument très fort de dire aujourd’hui il y a des nationaux extra-communautaires qui votent à l’intérieur de la nation française. A ce moment-là, il faut leur retirer le droit de vote. Il faut être cohérent. Si tout cela est lié, et s’il faut poser en préalable la question de la nationalité par rapport à la citoyenneté. J’avais posé cette question dans un débat avec Marine Le Pen qui me disait : « Vous avez raison, il faut enlever le droit de vote à tout le monde. » Ce qui fait que le type de l’UMP qui était là et celui du PS malheureusement, étaient très gênés parce que c’est un argument qui tombait. La logique de son discours était qu’il faut enlever, enlever… Or, la logique théorique de la gauche, c’est d’ajouter plus de droits. C’est aussi dans ce débat-là qu’il faut être.

 

 

Saadane Chahitelma : Une petite précision par rapport à la Marche que nous avions organisée en 1983. On est parti à 15, on s’est retrouvé à 100 000 à Paris. Même Tonton est venu nous rejoindre, c’est pour vous dire que c’était intéressant ce qui se passait. Des beurs des quartiers, surtout des Minguettes d’où je venais, entraînés par un prêtre, c’était très fort comme symbole. Ce n’est pas simplement le droit de vote des étrangers qu’on souhaitait. On souhaitait que nos parents qui avaient contribué, étaient venus en 1914 ou en 1940 dans ce pays pour se battre. On pensait qu’ils méritaient d’avoir cette nationalité, qu’ils étaient là depuis des années et des années, qu’ils payaient leurs impôts, qu’ils avaient aussi le droit de vote, un droit de regard sur la gestion de leur commune. Et si on avait, en 1983, parce qu’il y avait la possibilité de le faire, fait un référendum, à cette époque-là, je peux vous dire que la majorité des Français était pour le droit de vote des étrangers. Pire, il y avait un homme qui s’appelait Sarkozy qui avait dit qu’il était pour.

Mais on ne faisait pas la Marche que pour le droit de vote. Il faut savoir qu’entre 1981 et 1983, 200 crimes racistes ont été commis en France. 200 filles, garçons sont morts dans les banlieues, assassinés par des extrémistes du Front National, puisqu’à cette époque-là Jean-Marie Le Pen avait trouvé ce qui était porteur en politique. Tous les sondages disaient qu’on aurait eu le droit de vote pour nos parents. Maintenant, je ne m’inquiète pas pour l’avenir. Quand je suis né dans ce pays, la guerre d’Algérie n’avait pas commencé. Ma première manifestation, je l’ai faite à 10 ans, en octobre 1961. Et on a jeté entre 200 et 300 Algériens dans la Seine, et cela est resté pour moi une frustration qui restera toute ma vie dans mes tripes. Jamais je n’ai pu comprendre qu’on tue des manifestants pacifiques qui voulaient l’indépendance de leur pays, comme la France a fait en 1940 à travers le Général de Gaulle. Mon pays c’est la France, le pays de mon père, c’est l’Algérie. Il voulait l’indépendance de l’Algérie et il s’est battu pour ça. Quand un pays civilisé tue des femmes et des enfants et qu’on les jette dans la Seine, un pays dit civilisé parce qu’il faut savoir que sur la carte d’identité de mon père il était écrit « indigène ». Quand on pense que nos parents, que ce soient les Maliens, les Sénégalais, les Subsahariens, se sont sacrifiés pour ce pays, n’ont pas la reconnaissance d’aller au moins voter aux municipales –on ne demandait pas autre chose. quand on voit comment certaines communes sont gérées, on se demande où va notre fric, parce que c’est quand même notre fric. Un Belge, un Anglais, un Hollandais peuvent le faire quand cela fait parfois trois, quatre mois qu’ils sont là. Dans la région où j’habite, ils ont acheté de belles maisons, et non seulement ils votent, mais ils se font élire. Ce n’est pas normal. C’est pour cela que j’ai confiance dans l’avenir. Je n’ai la nationalité française que depuis récemment pourtant je suis né dans ce pays. Je ne la voulais pas parce qu’on n’a pas donné le droit de vote à mon père. Aujourd’hui j’ai des enfants et des petits-enfants et je ne veux pas qu’ils passent par là où je suis passé. Je ne veux pas qu’ils gardent la frustration que j’ai toujours à l’heure actuelle de vivre dans un pays qui nous a niés, bafoués, massacrés dans les banlieues. On nous tirait comme des lapins parce qu’on était en bas des immeubles. Et tout cela était commandité par des gens qu’aujourd’hui on dit antiracistes, crédibles… Il faut voir l’idéologie qu’ils véhiculaient en 1983. On a été à Dreux nous aussi. Nous avons été accueillis à coups de fusil. Personnellement, je ne crains rien. Aujourd’hui je vois des élus d’origine maghrébine et vous verrez qu’aux élections municipales en 2014, il y aura de plus en plus d’élus black, beurs, etc, et je sais pertinemment qu’un jour ou l’autre les immigrés et les étrangers en France auront leurs droits aussi même si je ne le verrai certainement pas. Parce que depuis 1983, on nous endort avec ce droit de vote qui avait été accepté par Tonton. Il nous l’avait promis quand il nous a reçus à l’Elysée, il nous a promis qu’il ferait voter la loi pour le droit de vote des étrangers. Mais il n’a jamais rien fait et personne ne fera jamais rien. Si. Nous. Parce qu’aujourd’hui nous avons le droit de vote. Et je vous garantis que viendra le jour où on sera assez nombreux, et il faut que ce soit nous qui fassions cela. Parce que si ce n’est pas nous, ce seront d’autres, et je connais le travail qu’ils font sur les quartiers. Et croyez-moi, avoir des républicains et des laïcs comme interlocuteurs vaut mieux que d’avoir des barbus et des intégristes. C’est notre Front National. Les Salafistes aujourd’hui dans les quartiers se régalent. Voilà où on va.

 

 

Habiba Bigdade : Je suis présidente de la Ligue des Droits de l’homme de la fédération des droits de l’homme des Hauts-de-Seine et je participe aux réunions du collectif Droit de vote 2014. Je voudrais réagir par rapport à l’évolution et au parallèle entre le droit de vote donné aux étrangers et le droit de vote donné aux femmes. La Nouvelle-Zélande a été le premier pays à donner le droit de vote aux femmes et le premier pays à donner le droit de vote aux étrangers. Pareil pour les pays nordiques. Je pense que tout est lié. Ce n’est pas une question d’étrangers mais de droit et d’égalité.

Petit rappel sur les mobilisations militantes et associatives qui ont eu lieu ces 30 dernières années. Il est important d’en parler parce que ce sont des mobilisations citoyennes qui ont joué un rôle important en maintenant des questions citoyennes dans les débats, en permettant l’évolution des opinions publiques. Sans ces nombreuses mobilisations citoyennes et d’élus, cette question serait depuis longtemps enterrée, et encore aujourd’hui un collectif persiste depuis décembre 2012.

Depuis 1980, j’ai repéré quatre périodes : 3 grosses décennies et l’élection de François Hollande. En 1980, la Ligue des Droits de l’homme s’empare de cette question lors de son congrès en votant une résolution demandant d’accorder le droit de vote aux étrangers. C’est la première fois qu’on trouve cette revendication par écrit. Elle fait partie des 100 propositions de François Mitterrand en 1981, la 80ème. Malheureusement, juste après son élection, l’un de ses ministres dément que cette proposition ait fait partie de son programme. Cela marque le début du rétropédalage.

En 1983, la mobilisation pour l’égalité et la justice, qui avait pour principale revendication le droit de vote des étrangers, est la première mobilisation citoyenne de masse sur cette question menée pour la première fois par de jeunes Français issus de l’immigration qui considéraient déjà l’enjeu de cette question. D’autres associations ont rejoint ce mouvement qui sont le CAIF, Comité d’action pour les immigrés en France et le MRAP.

Ce septennat voit l’alternance avec la droite où les terribles lois de Pasqua accroissent les mesures répressives envers les immigrés. En 1986, un premier collectif se crée avec des interventions locales et municipales. Des expériences d’élection avec des étrangers sont tentées aux Ullis, à Amiens, etc, mais vigoureusement combattues par le pouvoir en place.

En 1988, on retrouve cette proposition dans le programme de François Mitterrand. En juin, les états généraux de l’immigration font une large place au thème de la citoyenneté et SOS Racisme entre dans la bataille. Michel Rocard, favorable, dit que le gouvernement serait censuré par le Conseil Constitutionnel et c’est contre cet argument alibi que 4 ans plus tard, la Ligue des droits de l’homme s’organise autour du slogan « J’y suis, j’y vote ».

Même dans les partis de gauche, cette question n’a jamais fait l’unanimité. C’est l’Europe qui va commencer à vouloir changer les choses. En 1992, avec le traité de Maastricht qui crée une citoyenneté européenne en accordant le droit de vote aux étrangers communautaires aux élections municipales et européennes. Cette citoyenneté a été imposée de fait à ses signataires par l’Europe dont la France et malgré cela, il a été très difficile d’aboutir à son application pour les Européens. Il aura fallu 10 ans. Ce droit a été appliqué dès les élections européennes de 1994 mais en revanche la France sera le dernier pays de l’Europe à prendre des dispositions pour transposer cette directive européenne à cause des sénateurs qui traînent des pieds. Il s’agit pourtant non d’une faculté mais bien d’une obligation à laquelle la France à formellement souscrit, elle n’a pas le choix. Mais ces débats législatifs témoignent de la réticence avec laquelle se résigne la majorité sénatoriale.

 

Cette situation ne permettra pas aux résidents étrangers communautaires de voter aux élections de 1995. A cette occasion la Ligue des Droits de l’homme interpelle les candidats et réclame la mise en place de conseils de résidents étrangers. Ce droit de vote pour els Européens donne un souffle, un espoir pour les militants de ma cause du droit de vote pour les étrangers résidents extracommunautaires. En 1998, la loi organique est enfin promulguée. Elle accorde aux ressortissants de la Communauté européenne résidant en France le droit de vote et d’éligibilité aux municipales, mais elle ne permet pas aux futurs élus d’être maire, maire-adjoint, il faut le préciser, ni participer aux élections sénatoriales, ni désigner ceux qui vont participer aux élections sénatoriales. Et tout cela pour sauvegarder la souveraineté nationale. Effectivement aux élections municipales de 2001, les Européens votent mais avec une restriction qui fait qu’ils ne participent pas indirectement au choix national réservé aux Français. A partir de là, nous avons deux catégories d’étrangers : ceux qui ont des droits, et ceux qui n’ont aucun droit politique parce qu’ils sont nés ailleurs. L’inégalité persiste et elle est stigmatisante et très injuste. A partir de 199-, la gauche va s’emparer de cette question au nom de l’égalité.

S’ouvre la troisième période pendant laquelle vont se livrer des batailles parlementaires. Cette avancée donne un nouveau souffle aux associations qui créent en 1999 un nouveau collectif « Mêmes droits, même vote » et dans le cadre de l’année de la citoyenneté la même année, des élus lancent l’Appel de Nîmes lançant ainsi le débat dans l’opinion publique et dans les partis. A gauche, les députés communistes seront les premiers à déposer une proposition de loi dans ce sens, avec une condition de résidence de 5 ans et vont suivre dans la foulée le groupe socialiste, les Verts et le PRG. Malgré cela, 2 ministres socialistes favorables au droit de vote des étrangers soulignent le nombre de barrières qui font obstacles à l’obtention d’une loi d’ici les élections municipales de 2001. A droite, le débat s’installe aussi. Raymond Barre estime que cette proposition est justifiée mais l’UDF fait rapidement machine arrière. Philippe Séguin du RPR et Claude Goasguen de Démocratie libérale estiment que la proposition ne permet pas de résoudre le fameux problème d’intégration des étrangers et proposent d’assouplir les conditions d’obtention de la naturalisation, dans l’esprit de la nécessité de la participation des étrangers. Et au final, c’est dans la nuit du 3 au 4 mai 2000 que l’Assemblée nationale adopte en première lecture la proposition de loi constitutionnelle portée par les Verts. L’opposition vote contre, sauf deux députés de l’UDF, Gilles de Robien et Jean-Louis Borloo, qui très régulièrement ont exprimé leur position favorable mais qu’aujourd’hui on n’entend plus. A ce moment-là, des votations citoyens sont organisées dans toute par le collectif du même nom qui existe depuis une dizaine d’années. Le but est d’éveiller les consciences sur cette question et de mobiliser l’opinion publique et surtout les élus de droite. Des vœux sur cette question sont votés depuis une dizaine d’années dans plusieurs communes, dont Nanterre. Depuis toutes ces mobilisations, l’opinion semble mieux comprendre ce droit et de 1996 où ils étaient favorables à 28 %, ils passent à 52 % en 2003. En 2011, le Sénat fraîchement élu à gauche pour la première fois sous la Vème République, s’empare de la proposition de loi votée en 2000 par l’Assemblée nationale pour l’adopter, pas dans les mêmes termes mais avec les mêmes conditions. Il ne manque plus que l’Assemblée nationale, repassée à gauche depuis l’élection de François Hollande. Dès lors, l’espoir d’une concrétisation s’approche pour les militants. La dernière période, celle où nous sommes depuis l’élection de François Hollande et la victoire de la gauche aux élections législatives est une situation inédite. C’est maintenant ou jamais pour mettre les choses en place. Mais trois mois après l’élection de François Hollande, des doutes s’expriment. Une tribune de 77 parlementaires socialistes est publiée pour que la réforme soit engagée. S’ensuit une pétition menée par les Verts et Esther Benbassa. Les tribunes d’associations comme SOS Racisme ou de personnalités se succèdent. Le monde associatif commence à s’inquiéter, et l’intervention du Président de la République en novembre 2012 indique qu’il n’a pas la majorité pour faire passer ce projet de loi constitutionnel, ce qui a officialisé l’inquiétude des associations. L’histoire bégaye, le pire étant que la passivité soudaine de ceux qui avaient tant affirmé qu’il s’agissait d’une revendication essentielle et qui ont été élus mais ont omis de la réaliser, contribue maintenant à démobiliser l’opinion. Preuve en est, un sondage qui donnait fin 2011 71 % d’opinions favorables sur cette question est retombé à 56 % de personnes hostiles en février 2013. Le collectif Votation citoyenne, toujours en action, a décidé de lancer l’offensive de persuasion en décembre dernier, en s’élargissant, en accueillant près de 100 organisations associatives, syndicales et politiques. Un nouveau collectif voit le jour : droit de vote 2014 et la mise en place d’une pétition que vous pouvez toujours signer www.droitdevote2014.orgqui n’a recueilli aujourd’hui que 80 000 signatures.

 

 

 

Un intervenant :Le camarade marcheur a l’air optimiste. Aujourd’hui, c’est toute une génération qui disparaît, celle de mes parents. Est-ce qu’on attend que le solde soit à 0 pour enfin pouvoir le faire ? Le Parti Socialiste qui n’a plus de socialiste que le nom a trahi la classe ouvrière. Il y a une trahison effective de cette sous-classe prolétarienne que sont les étrangers de première et deuxième génération. Je ne vois pas pourquoi je pourrais avoir confiance en ce parti 30 ans après. Je voudrais que le camarade marcheur puisse me démontrer que son optimisme est raisonnable.

 

 

 

Un intervenant :Vous avez dit que la pétition de la votation citoyenne n’avait recueilli que 80 000 signatures. Moi, quand je vois le nombre d’adhérents par exemple des seuls syndicats, c’est dire qu’il n’y a même pas 10 % des gens syndiqués qui ont signé. Est-ce qu’il n’y a pas là quelque chose à creuser ?

 

 

 

Un intervenant :Le témoignage de Saadane m’a beaucoup ému. Quand je suis arrivé à ce débat, je me suis demandé si je devais rester. Non pas que je sois contre, je reconnais tout à fait la légitimité pour des étrangers qui participent à l’économie d’avoir le vote municipal, mais je me posais la question sur l’opportunité politique. Et en réalité votre témoignage est extrêmement important parce qu’il replace les choses. On est de la même génération. Dans votre émotion, je retrouve une génération des années 70 où le racisme n’était pas seulement verbale. Elle était physique sous forme de ratonnades qui ont grandement disparu. En 1983, je portais le badge « Touche pas à mon pote » et 30 ans après, on se retrouve avec le Front National à 25 % et des partis institutionnels qui reculent toujours un peu plus. La bonne façon pour revenir à du concret, si vous voulez obtenir le droit de vote pour les étrangers, c’est de parler de dignité. Il faut s’élever par rapport aux débats politiques. Si on nous présente le droit de vote des étrangers de façon mollassonne en nous parlant d’un engagement pris par François Hollande qu’on va essayer de tenir. Ce n’est pas comme ça qu’il faut présenter les choses. Je pense que la grande majorité des Français n’est pas raciste. C’est en majorité les forces capitalistes ou les gens qui veulent maintenir une autorité sur le peuple qui veulent nous diviser.

 

 

 

Une intervenante :Je représente la Maison des Potes à Montpellier. Je me suis reconnue dans ces débats d’aujourd’hui. Je me suis dit, tiens je suis en train de rendre service à la société. J’ai fait de bons enfants qui réussissent sans problème, je suis d’origine étrangère mais je n’ai jamais ressenti la discrimination parce que ça ne veut rien dire pour moi. Les mots n’ont plus d’importance parce qu’on ne les utilise pas à bon escient. Moi, je suis là pour demander où sont les politiques ? Qu’est-ce que la politique ? On nous mène en bateau. Réveillons-nous parce que les politiques réussissent très bien à nous diviser, les gens qui sont naturalisés, ceux qui sont arrivés il y a 30 ans, les Marocains, les Algériens. L’optimisme je l’ai, mais je perds un peu mon énergie. Pourquoi le mariage pour tous a-t-il marché ? En plus, je représente la ville qui a célébré le premier et j’y ai été officiellement invitée. Je suis heureuse pour ces gens-là et j’aimerais être heureuse pour ceux qui sont arrivés il y a 30 ans, 40 ans.

 

 

 

Saadane Chaïtelma : Pour répondre au camarade sur l’optimisme dont je fais preuve, mais ça concerne les années à venir par rapport au droit de vote, je n’y crois plus. Mais par contre, je crois aux générations qui sont nées ici et qui, depuis la loi du droit du sol, obtiennent la nationalité française du fait de leur naissance sur le territoire français. Aujourd’hui, dans nos quartiers, nos chibanis sont décédés. Beaucoup de nos parents ont souffert de ne pas pouvoir participer à la vie de la commune. Lorsqu’on faisait une opération de renouvellement urbain, avoir notre mot à dire. Est-ce que ça convient aux habitants ou bien on gaspille de l’argent. C’était cela notre objectif. Nos jeunes qui galèrent dans les cages d’escaliers –120 000 jeunes sortent de l’Education nationale sans qualification– que voulez-vous qu’ils fassent à part faire du business ? Et nos parents, qu’est-ce qu’ils étaient pour nous. Ils étaient des repères, que ces jeunes n’ont plus. Quand les politiques viennent faire les marchés pendant les campagnes électorales, les jeunes disent « Vous ne venez nous voir que lorsqu’il s’agit de voter ». Parce que les politiques savent que les jeunes votent aujourd’hui, et ils savent que’il y a des mouvements populaires, associatifs, qui vont leur dire « Tu veux parler, vas voter ! »

Par rapport à ce que disait monsieur, pendant 4 ans, récemment j’ai été à la fac de droit pour faire des études de droit. Un jour les flics m’ont arrêté en sortant de la fac de droit et m’ont emmené au commissariat. Quand je leur ai dit que j’étais étudiant en sciences criminelles, ils n’ont pas voulu le croire. J’ai fait une garde à vue, ils ont téléphoné à mon directeur de mémoire, ancien commissaire à Nantes, pour vérifier. La dignité c’est très important. Quand je repense à Stéphane Hessel, tous ses combats ont été faits au nom de la dignité humaine, et c’est tout ce qu’on demande. Vous voulez nous écraser ? Faites attention, il y a toujours le revers de la médaille. Vous votez Front National aujourd’hui, ce sont les frustrés d’hier. Et quand je vous parlais des barbus, en 2014, ils vont présenter leurs listes. Les Frères Musulmans ne sont pas arrivés au pouvoir parce qu’ils étaient plus islamistes que les islamistes, mais parce qu’ils ont récupéré la misère sociale des habitants du Caire qui vivent dans des conditions inhumaines.

 

 

 

Un intervenant :La 1ère question qui nous est posée est de savoir à quoi on se heurte. Je ne pense pas qu’on se heurte à la démobilisation syndicale ou à la trahison du Parti socialiste, c’est extrêmement superficiel. Je pense qu’on se heurte à une société extrêmement divisée, travaillée par la peur et la fragmentation sociale. Tant qu’on n’offrira pas une perspective rassembleuse, sécurisante, qui offre la possibilité du progrès pour tous et toutes, on aura du mal sur cette question. La 2ème question qui nous est posée, c’est de savoir comment on rassemble. Et là, il n’y aura pas de mot magique. Moi, je veux bien la dignité. La dignité ce n’est pas ce pour quoi on se bat. La dignité c’est ce qui fait qu’on se bat, quand on milite, quand on relève la tête. Après il faut obtenir les moyens de la dignité, parce que la dignité ça peut rester dans la tête. Il faut la liberté, l’égalité, la fraternité, donc des politiques de solidarité avec des services publics, d’égalité des territoires, des luttes d’Etat contre les discriminations. C’est l’effectivité de la dignité. Moi, la dignité, je ne l’attends pas du gouvernement, je l’ai. Elle m’est consubstancielle. Mais je veux faire de la politique avec, et ma dignité je veux la partager avec tous les autres, faire de la citoyenneté.

La 3ème chose, c’est que faire. Il faut réaliser qu’on a devant nous une énorme difficulté qui est de reconstruire une dynamique populaire et politique autour de cette question en saisissant les organisations syndicales, les associations, en interpelant nos élus, mais aussi en menant bataille dans le débat public avec la droite pour dire que cette affaire n’est pas de gauche ou de droite. C’est fondamentalement une affaire de modernisation de la société et ceux qui ont à cœur de construire un avenir commun dans ce pays doivent souscrire à cette revendication parce qu’elle en fait partie. Si nous voulons le droit de vote pour les étrangers c’est pour qu’ils puissent continuer à contribuer à notre société.

 

 

 

Habiba Bigdade : Je voulais répondre au monsieur par rapport au petit score récolté alors que nous sommes plusieurs associations. Je pense que la mobilisation s’est essoufflée parce que cela fait 30 ans que la question patine, que l’opinion se démobilise et même les acteurs de cette pétition. C’est malheureux, mais au mois de mai, il y a eu un nouveau sondage qui donnait à nouveau 54 % sur la question. Donc on est à nouveau dans un nouvel élan populaire, et c’est peut-être pour cela que le Président s’est prononcé pour cette question après les municipales.

Je vais rapidement énoncer les prochaines mobilisations : l’anniversaire pour les 30 ans de la Marche pour l’égalité et les municipales. En 2001, on avait cette idée de faire dire aux jeunes « Je vote pour mes parents ». Cela peut aussi avoir un effet sur les candidats, les élus de la réalité de la présence des étrangers qui ont envie de participer à la vie locale.

 

 

 

Samuel Thomas :Pour continuer la tradition des conclusions des différentes tables rondes, je voudrais rappeler que pour la Fédération des Maisons des Potes, le combat pour le droit de vote pour les étrangers va de paire avec l’ouverture des emplois fermés. Quand on distingue entre les Français et les Européens, on instaure une discrimination très fore dans le pays. Et quand on a donné le droit de vote aux étranges européens, c’était la même année que lorsqu’on a donné le droit aux Européens d’avoir les statuts de la fonction publique et du droit public. On a donc instauré une inégalité dans le travail entre les Européens et les non-Européens. Ces deux combats vont de paire pour l’égalité entre les étrangers sur le territoire français.

Le droit de vote pour les étrangers a mobilisé des centaines de milliers de militants, à priori 99 % des gens élus dans ce pays avaient signé cette pétition à l’époque, 55 % des opinions sont pour le droit de vote des étrangers. Qu’est-ce qu’on attend pour passer d’une conviction à un droit délivré par la loi. Comment peut-on espérer une meilleure situation qu’aujourd’hui ? Comme l’a dit Benjamin Stora, quand on renonce c’est qu’on prépare la défaite de la gauche et du camp progressiste aux prochaines élections. Quand la gauche en 1936 a renoncé au Front populaire, elle a préparé la victoire de la droite en 1937 et en 1940. La promesse pitoyable de François Hollande de reporter la discussion à après 2014, en prétextant de manière honteuse qu’il ne voulait pas prendre les gens en traitre et se servir de cela pour gagner les élections municipales alors que c’est un engagement qu’il avait pris bien avant les élections municipales. Reporter à après les élections de 2014 en espérant que la gauche serait toujours majoritaire au Sénat est à peu près illusoire. Et espérer qu’on ait finalement moins de divisions dans la société française alors que les élections auront aggravé les divisions, alors que l’UDI qui serait favorable aujourd’hui sera obligé de se rapprocher de la droite pour faire liste commune avec l’UMP. C’était donc totalement absurde de repousser à après ces élections. C’est un renoncement qui va engendrer une révolte des gens qui considère qu’on bafoue une fois de plus les promesses qui leur ont été faite. Et cette révolte ne bénéficie pas au renforcement des organisations antiracistes. Parfois elle va renforcer le camp de l’extrême-droite islamiste, comme on l’a dit tout à l’heure. Les conséquences sont dramatiques. Que pouvons-nous faire ? On continue, on fait ce que nous faisons là. On organise des réunions publiques, on va chercher des partenaires européens, on montre que ça s’est fait dans d’autres pays et que ça marche très bien. Quand la droite dure ou la droite extrême reprend le pouvoir en Espagne, elle ne revient pas sur le droit de vote. Une fois que c’est acquis, c’est acquis. Maintenir en tout cas le lien entre le combat pour l’égalité juridique avec l’effectivité du combat pour l’égalité juridique dans d’autres domaines où l’on a formellement l’égalité et où ce n’est pas appliqué. Il y a donc une combinaison de la lutte contre les discriminations et du combat pour les droits nouveaux contre la discrimination dans la citoyenneté.