Etape de Strasbourg

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Le 2 décembre 2020, la Fédération Nationale des Maisons des Potes organisait la visioconférence « Strasbourg pour l’Égalité contre le racisme et les discriminations ». Côté invité-e-s, nous avions madame Floriane VARIERAS, adjointe à la Maire de Strasbourg BARSEGHIAN et en charge de l’inclusivité, solidarités, soutien aux personnes vulnérables et lutte contre les discriminations. Également, Laurent du centre social Elsau, Dominique et Daniel, respectivement président et vice-président du centre social et culturel de la Robertsau-l’Escale, Sara du centre social culturel de la Robertsau-l’Escale, Sophie, animatrice culturelle au centre social et culturel de la Robertsau-l’Escale accompagnée d’une jeune lycéenne intéressée par les sujets traités durant la visioconférence, Justin, animateur au centre social et culturel de la Robertsau-l’Escale, Aissata, médiatrice sociale à l’emploi au pôle insertion du centre social et culturel de la Robertsau-l’Escale, François, coordinateur de l’animation globale au centre socio-culturel de la Montagne Verte, Pierre de la Cimade de Strasbourg et de l’ASTU, Martin du centre social et culturel Hautepierre, Noureddine, membre du collectif Agissons 67, Fabielle de la LICRA de Strasbourg et Mohammed, militant associatif de longue date à la fédération et ayant participé à plusieurs des visioconférences. Côté fédération, Samuel THOMAS, délégué général de la fédération, Abdoulaye, médiateur de réseaux associatifs, Ayih, Mustapha, Julie, Caroline et Léana, élèves-avocats, ainsi que Rachelle, Marie et Romane, apprenties chargées de communication étaient présents.

 

Samuel a débuté la visioconférence en entrant directement dans le vif du sujet et en expliquant que Madame la Maire BARSEGHIAN de la ville de Strasbourg s’était engagée, au moment des élections municipales, à mettre en place 14 des 17 propositions de la fédération si elle était élue (les propositions 6, 9 et 15 étant encore à discuter).

 

Dans un premier temps, la discussion a porté sur la proposition n°9 concernant l’anonymisation des demandes de logement social qui vise à ce qu’il n’y ait pas de « dose » ou de « quota » de personnes d’une certaine origine par exemple à ne pas dépasser dans tel ou tel secteur de la ville. Samuel rappelle que les Maisons des Potes se sont rendues compte qu’au niveau national le séparatisme n’est pas le fruit de la volonté des personnes, mais qu’elles y sont en quelque sorte contraintes. Par ailleurs, il dit également que l’anonymisation des demandes de logement social a été refusée par les maires de l’Eurométropole de Strasbourg, mais qu’au moins le scoring avait été adopté, autrement dit l’attribution de logement social sur la base d’un indicateur relevant plusieurs points tels que la date de demande de logement social, la situation actuelle de la personne, la suroccupation ou non du logement actuel, etc. L’anonymisation pourra donc se faire pour Strasbourg seule, mais pas pour les autres villes de l’agglomération.

 

Noureddine rebondit sur les propos de Samuel en expliquant que l’anonymisation des demandes de logement social et le scoring ne sont pas à traiter uniquement par la mairie et les pouvoirs publics. En effet, selon lui, les centres sociaux ainsi que les associations peuvent avoir le rôle d’accompagnement des publics dans leurs démarches de recherche de logement, mais également dans la mise en avant de quartiers ou de secteurs de la ville n’ayant pas forcément bonne réputation, et parfois sans raison vraiment valable, pour que les personnes en recherche soient conscientes des attributs que possède chaque quartier et aient envie d’y vivre.

 

Pierre prend la parole en rapportant que l’ASTU dont il fait partie organise notamment deux éléments d’intervention intéressants que sont d’abord les brunchs le premier dimanche matin du mois durant lequel un débat public est instauré et auquel tous ceux qui le souhaitent sont invités à y participer, avec entre autres des élus s’y étant déjà rendus. La seconde action est la médiation scolaire pour laquelle des médiateurs et médiatrices interculturel-le-s de l’association vont essayer de trouver des moyens de médiation entre les familles et les écoles/collèges/lycées lorsqu’un problème de racisme, de discriminations ou de difficulté de compréhension culturelle se pose.

 

Floriane parle à son tour en nommant les actions engagées par la ville en commençant évidemment par les semaines de l’égalité en octobre mais en précisant que d’autres dispositifs sont aussi mis en œuvre par la ville comme le parcours éducatif présent toute l’année et consistantà favoriser la continuité des apprentissages et à créer les conditions de réussite tout au long de la scolarité de chaque jeune ou moins jeune. Ces parcours se construisent avec les équipes pédagogiques et il existe à ce jour quatre parcours éducatifs que sont le parcours citoyen, le parcours d’éducation artistique et culturelle, le parcours d’avenir et le parcours santé. Floriane propose de ne pas se cantonner aux semaines de l’égalité mais de ponctuer des événements tout au long de l’année et même d’encourager l’émergence de nouveaux événements à l’instar du 8 mars, du 21 mars, du 17 octobre ou encore du 17 mai. De plus, elle explique que la ville de Strasbourg soutient ces événements et communique dessus. En outre, elle avance l’idée d’organiser des mois spécialisés dans des thématiques comme par exemple le harcèlement scolaire, souvent conjoint avec des discriminations, permettant de se focaliser sur un sujet et de le traiter en profondeur. L’importance est de traiter toutes les discriminations afin que la ville elle-même ne soit pas discriminante en abordant certaines discriminations et non d’autres.

 

Noureddine reprend en mentionnant que la Maison des Potes de Strasbourg est extrêmement active sur son territoire, qu’elle utilise des méthodes de travail très efficaces en partant de la base du problème pour faire émerger des solutions. Par exemple, il dit que la campagne de communication en cours de création par la MDP de Strasbourg se créér avec l’aide de jeunes adhérents de la MDP et que grâce à eux la MDP de Strasbourg peut apprendre les codes de communication actuels des jeunes et ainsi mieux les atteindre et les toucher sur les questions traitées. Son idée globale sur cela est donc d’impliquer des acteurs qui ne sont pas forcément programmés sur ces thèmes, afin d’en faire une problématique qui concerne tout le monde. Également, il reprend les propos de plusieurs grands noms de la sociologie en expliquant un évident lien de cause à effet entre la paupérisation (appauvrissement de la population notamment provoqué par la difficulté à trouver un emploi, un stage, etc) et la montée du racisme et des discriminations. Pour Noureddine, la pauvreté est le terreau de tous les extrémismes. Enfin, il évoque des similitudes entre les méthodes de travail de la MDP de Strasbourg et de plusieurs CSC strasbourgeois et amène l’idée d’un travail collectif à établir.

 

Samuel soutient les propos de Noureddine, notamment concernant le rapport entre paupérisation et montée du racisme et des discriminations. Pour éviter aux jeunes de peiner voire de ne pas trouver de stage, d’alternance, il énonce qu’une proposition, la n°6, a été rédigée par les Maisons des Potes et a pour but de mettre en place le dispositif SOS Stage pour permettre l’accès à des stages qualifiants sans discrimination aux lycéens en CAP et Bac Pro. En effet, Samuel dénonce que dans les établissements scolaires se situant dans les quartiers prioritaires, les étudiants ne sont pas aidés par le corps enseignant de l’établissement en question car, les professeurs restant généralement très peu de temps (2-3 ans) enseigner dans les établissements scolaires de quartiers prioritaires, ils n’ont pas le temps de se créer un réseau de professionnels et donc de soutenir les élèves dans leurs recherches de stage ou d’alternance. À l’inverse, dans les quartiers un peu plus bourgeois où les professeurs font de nombreuses années de carrière dans le même établissement, ils ont le temps de se constituer un réseau, et donc de venir à l’appui des élèves qui cherchent leur structure professionnelle. Samuel recommande donc que si les enseignants de quartiers prioritaires ne sont pas en mesure d’aider leurs élèves, le Ministère de l’Éducation Nationale doit prendre le relais en nommant 4 chefs de travaux au lieu d’un seul, ce qui leur permettra ainsi de consolider un réseau plus rapidement et avec plus de partenaires. Les autres idées seraient d’une part de faire créer des chartes avec contraintes à faire signer à des entreprises pour être certaines qu’elles prennent des élèves en stage, et d’autre part d’effectuer des encouragements financiers auprès d’entreprises pour qu’elles aient davantage envie de prendre des élèves en stage.

 

En dehors de l’établissement scolaire en lui-même, Sara du CSC de la Robertsau-l’Escale explique que le centre social a créé des conventions de stage avec des établissements scolaires afin que ce dernier puisse aider des élèves dans leurs démarches de trouver un stage qualifiant correspondant à ses études. C’est notamment Justin au CSC de la Robertsau-l’Escale qui accompagne les jeunes dans la création du CV et de la lettre de motivation, dans le travail autour des entretiens d’embauche, etc. Le centre social réalise également des vidéos sur des thématiques comme le harcèlement scolaire et les publie sur YouTube pour toucher un maximum de personnes et les sensibiliser. Également, Sara explique que le centre social s’adapte à l’actualité pour réaliser ses actions, comme par exemple le travail de déconstruction de l’islamophobie après les nombreux attentats perpétrés en France ces dernières années.

 

Noureddine explique ensuite qu’il est en faveur d’un revenu universel minimum, mais que celui-ci doit être au-dessus du seuil de pauvreté, sinon il est inutile. Pour Noureddine, l’emploi est le début de la clé du problème du racisme et des discriminations.

 

Abdoulaye, quant à lui, pense que le racisme primaire émane de l’élite intellectuelle ou bourgeoise qui se sent, de par son parcours, son ascendance, ou encore son appartenance raciale, supérieure aux autres.

Justin de son côté déplore le fait que les médias décident souvent d’aborder les sujets qui ternissent l’image des quartiers comme les agressions par exemple, mais ne prennent pas la peine de traiter des sujets positifs qui mettent la lumière sur des actions réelles et concrètes faites dans les quartiers. Il est pour lui intéressant que les journalistes qui écriraient sur ces sujets positifs soient à la fois des journalistes qui sont issus de ces quartiers et qui les connaissent donc très bien, mais aussi des journalistes extérieurs qui, grâce à leurs reportages, pourraient avoir un autre aperçu et une autre idée du quartier que celle qu’ils avaient peut-être avant de s’y rendre, et donc dépasser leurs préjugés et leurs aprioris. Samuel propose donc que les municipalités accordent dans leur budget de communication un montant destiné à la création de journaux locaux mettant en avant les actions positives réalisées dans les quartiers.  

 

François énumère deux dispositifs médias déjà existants dans la ville de Strasbourg que sont Speaker, média collaboratif des quartiers populaires et Tous à bord, émission du CSC Neuhof traitant de sujets variés concernant Strasbourg. Par ailleurs, pour une action concrète et commune notamment sur la semaine du 21 mars, François pense que c’est à la Fédération des Centres Sociaux du Bas-Rhin de jouer un rôle fédérateur et mobilisateur entre tous les centres sociaux.  

 

Fabielle raconte à son tour que la LICRA de Strasbourg travaille avec les missions locales et avec les centres sociaux mais trop peu, elle invite donc les représentants de centres sociaux présents à prendre contact avec elle à la suite du débat. En effet, la LICRA de Strasbourg développe un programme de sensibilisation, d’éducation mais aussi culturel par la réalisation d’activités en utilisant le théâtre, le cinéma, les concerts, etc. Fabielle propose aussi d’effectuer en partenariat avec des centres sociaux strasbourgeois des permanences d’aide et d’accompagnement pour des plaignants venant de quartiers où notamment le racisme anti-noirs et anti-musulmans fait rage. Enfin, Fabielle raconte qu’avec les missions locales strasbourgeoises sont organisées des journées à l’instar de journées sur la mémoire, et elle invite les autres structures présentes à y participer.

 

François y répond en expliquant que des permanences sont déjà réalisées par l’association Viaduc 67 mais qu’elles ne remportent pas un vif succès auprès de la population, et Noureddine expose que la connaissance de l’accès aux droits est primordiale.

 

La visioconférence s’achève avec le souhait de réaliser un événement commun lors de la semaine du 21 mars, mais également sur la volonté de produire des actions concrètes durant toute l’année car la lutte contre le racisme et les discriminations est un combat quotidien et de longue haleine.