UNIR LES COMBATS FEMINISTES ET LGBT ?

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Comment sauvegarder le droit à l'IVG menacé dans plusieurs pays d'Europe et unir les combats féministes contre les violences faites aux femmes ?
Comment combattre l'homophobie et conquérir le droit au mariage pour tous dans toute l'Europe ?

 

Un intervenant

Parce que finalement, est-ce que le racisme n’est pas d’abord social, et que les catégories qui sont touchées par le racisme, c'est du social d’abord. C’est leur appartenance pas simplement à leur couleur, et je pense que ce n'est pas simplement la couleur de la peau, ce n'est pas simplement l’appartenance religieuse, c'est aussi l’appartenance sociale.

 

 

Un intervenant

Comment conquérir le droit au mariage pour tous dans toute l’Europe ? J’aimerais recueillir l’avenir des intervenants et savoir s’ils ont des idées.

 

 

 

Noémi Fischbein

Je ne sais pas si tout le monde est au courant mais il y a quelques jours l’Assemblée Nationale a voté la loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, une loi qui contribue notamment à pénaliser le client et à supprimer le délit de racolage passif. Vous avez dit tout à l’heure : « après tout, un rapport sexuel entre deux personnes majeures consentantes, on ne voit pas vraiment le problème. » J’en vois un parce que si on regarde les chiffres, et on a eu beaucoup de reportages ces derniers temps, c’est un système de traite qui est mis en place pour 90 % des prostitués, ce n’est pas la prostituée qui fait un choix complètement librement. Il y a une traite de l’être humain. C’est le rôle de la loi de protéger le plus faible contre la loi du plus fort, et en matière de prostitution, le plus fort, c’est celui qui a l’argent, c’est le client. Il revient à la loi de le dire, de qualifier surtout la prostitution comme une violence.

C’est pour moi une très bonne chose que le loi française s’inspire du modèle suédois où le client est pénalisé depuis 1999, ce qui a occasionné la diminution de la prostitution de rue. Il y a moins de réseaux contrairement à l’Allemagne où il y a plus de 400 000 prostituées, parce qu’évidemment le fait de mettre les femmes en vitrine et de considérer le proxénète comme un simple entrepreneur, le message envoyé n’est pas le même.

 

 

 

Sergio Coronado, Député EELV

L’adoption par la France de cette avancée, l’ouverture du mariage civil, contribue à ce que dans d’autres pays, des parlementaires, des politiques, des acteurs de la société civile, mettent ce type de débat sur la place publique. C’est comme ça qu’on avance.  A l’heure qu’il est, comme vous le savez, à part la libre circulation des marchandises, l’espace européen n’est unifié ni d’un point fiscal ni social ni réellement politique. C’est l’insuffisance mais il ne faut pas mésestimer son rôle de levier, notamment l’aide qu’on peut apporter à des associations qui luttent en faveur de ces droits-là.

 

 

 

Noémi Fischbein

Par ailleurs, vous parliez de l’absence de dispositif contre la prostitution. Il existe déjà dans le code de procédures pénales des dispositions permettant de lutter contre le proxénétisme. Vous disiez : « on ne voit rien dans cette loi qui permet de lutter contre le proxénétisme ». Je vous réponds : il existe d’autres dispositions.

Et enfin, je ne prétends pas qu’avec une loi pareille, je l’espère mais je ne le prétends pas, on pourra mettre fin définitivement à la prostitution. Evidemment elle continuera à exister. Mais je tiens à signaler que le viol et le meurtre sont pénalisés depuis de nombreuses années, et ce n’est pas pour autant qu’ils n’existent pas.

Non, mais juste pour dire que c'était pour moi une très bonne chose que la loi française s’inspire du modèle suédois où le client est pénalisé depuis 1999 et ça a entraîné une diminution de la prostitution de rue. Il y a moins de réseaux. Contrairement à l’Allemagne où aujourd'hui, il y a plus de 400 000 prostituées parce qu'évidemment, le fait de mettre les femmes en vitrine et de considérer le proxénète comme un simple entrepreneur, un chef d’entreprise, le message envoyé n’est pas le même.

  

 

 

 


Fatima EZAHRA BENOMAR, SG des Effrontées

Alors, pour réagir sur la question de la prostitution, en quelques mots, il n'y a pas de question de plus vieux métier du monde, ce qui n’a jamais été prouvé d'ailleurs, c'est juste la plus vieille arnaque patriarcale, point. Le consentement, de quoi on parle quand on dit un consentement, par rapport à un acte sexuel qui a lieu par la voie marchande. Je vais vous le dire, du point du client. On nous dit maintenant qu’en France, il doit y avoir un désir réciproque, partagé. Mais moi, le consentement de cette femme, je le monnaie parce que cette femme, elle existe sur le marché. Donc, puisqu'il y a parmi les femmes normales un consentement dans le sens d’un désir réciproque et l’envie de moi, moi, je sais que sur le marché, il y a des femmes dont on peut acheter le consentement contre une dizaine d’euros. Selon l’ONU, 99 % des patrimoines et richesses sont entre les mains d’hommes, donc c'est pour ça que, que ce soient d'ailleurs des personnes prostituées féminines ou masculines, le client est quasi toujours un homme. C'est tout simplement le genre des personnes prostituées qui s’adapte à la demande des clients qu’ils soient homos ou hétéros. Et donc, il faut aussi se dire qu’on encourage dans les mentalités des hommes à coucher avec des femmes en sachant pertinemment qu’elles n’ont pas envie d’eux. Donc après, ça fait exploser dans les pays réglementaristes tout simplement le viol. Pourquoi ? Parce que ce qui s’achète peut se voler. Puisqu'on a dit qu’une femme, maintenant c'est bon, la marchandise est son corps, je peux l’acheter et puis au pire, je peux aussi le violer puisque la question n’est plus de son désir à elle. Et je peux vous dire que, en temps de crise en ce moment, ce qui explose ce sont les femmes qui viennent nous dire : oui, maintenant, il y a des gens qui veulent me donner un logement contre service sexuel. Donc en fait, toute la société est teinte de cette revendication des hommes à donner ou bien de l’argent ou bien un logement ou bien quoi que ce soit contre le pseudo consentement de la femme qu’ils vont tout simplement voir comme un paiement sexuel. Tout n’est pas à vendre. Et dans les pays réglementaristes qu'est-ce qu'on voit ? On voit tout simplement des femmes dans des espèces de boîtes qui sont introduites dans des menus. On a vu ça, c'est genre : vous avez droit avec un forfait à une chambre, une femme, un repas.

Et même récemment, un énorme drame, ça veut dire qu’ils ont fait des opens-bars sur des femmes et qu’à la fin, les clients, à la fin de la journée disaient, non, mais attends, il y a dix mecs qui lui sont passés dessus, là, elle ne voulait plus rien me faire. C'est ça la réalité, dans la réalité capitaliste d’aujourd'hui, de la mise en marché des corps des femmes. Et ce qu’elles nous disent, c'est que ce n'est pas vrai que les clients demandent un service sexuel, parce que très souvent, comment elles gèrent ça psychologiquement les personnes prostituées ? C'est qu’elles se déconnectent de leur corps, voilà, elles s’oublient, elles laissent les clients faire. Et les clients, ce qu’ils disent, c'est : hé ho, je ne te sens pas là. Ça veut dire qu’elles doivent en plus simuler, elles doivent montrer qu’elles leur appartiennent pendant cet acte sexuel. Elle n’est pas en train de donner avec une certaine distance un service sexuel du bout des doigts. Le client revendique qu’elle soit là, qu’elle se manifeste, qu’elle montre que… Enfin, ils achètent même la mise en scène du désir des femmes.

 

 

 

Sergio Coronado, Député EELV

Et j’ai vu la difficulté qu’on avait en fait, à mener le débat quand… Et c'est ça que je regrette en fait. Quand on s’enferme dans des postures, quand on s’enferme dans des certitudes et des croyances. Moi, je suis parlementaire depuis 1 an, je suis militant depuis à peu près 25 ans, j’ai été élu. Ce qui me fait avancer, c'est plutôt le fait de douter, ce n'est pas le fait d’être ancré dans des certitudes. J’aimerais avoir des certitudes et d'ailleurs, pour conclure, c'est j’aimerais avoir les certitudes que tu as sur le fait que les politiques de pénalisation, de prohibition, elles ont, pour conséquence immédiate, de mettre un terme à la prostitution. Donc moi, ce que je sais et j’aimerais avoir ta certitude, et j’aimerais avoir ton optimisme, c'est que ce qui m’a été répondu ne participe pas d’une lutte réelle contre les réseaux et contre le proxénétisme. Ça ne fait que précariser in fine celles et ceux qui exercent le métier de la prostitution, que ça nous plaise ou que ça ne nous plaise pas. Les certitudes, je les laisse à d’autres. Moi, ce que je crois quand je mène un débat, c'est qu’on me réponde sur des faits concrets. Et le gouvernement a répondu, lutte contre l’immigration, pas d’accès à l’ATA et pas de lutte contre le proxénétisme. C'est ça le résultat du débat qu’on a eu vendredi.

 

 

 

Bouchera Azouz, féministe

Alors, sur la question de la prostitution, donc moi, je suis très claire, je suis abolitionniste. D’abord, les arguments qu’on nous oppose, c'est la liberté à disposer de son corps, c'est aussi la liberté… C'est-à-dire qu’on pose aussi une certaine forme de moralité par rapport à la sexualité, sous-entendu que quand on s’oppose en fait à la prostitution, c'est d’une certaine manière s’opposer à une forme de sexualité des femmes. C'est absolument aberrant. Je pense que très clairement, la prostitution en dehors des images d’Épinal, il y a une réalité tragique autour de cette question-là qui est effectivement les réseaux de prostitution. C'est une des dernières formes d’esclavage et très majoritairement aujourd'hui, les prostituées qui sont en France sont à plus de 80 % des femmes qui sont justement dans ces réseaux de prostitution. La loi, je pense que d’un point de vue symbolique, elle est assez forte, mais elle n’est forte que symboliquement. Malgré tout, il ne faut pas le négliger dans un débat où il y a quand même un clivage assez fort entre les défenseurs de la prostitution, c'est-à-dire de l’esclavage des femmes, et ceux qui s’y opposent. Enfin, c'est quand même une forme d’esclavagisme la prostitution.

 

 

 

Sergio Coronado, Député EELV

Je me suis attardé sur un texte et il y a eu des objectifs qui nous ont été annoncés par le gouvernement et quand je m’attarde sur le texte, ces objectifs n’y sont pas voilà. Voilà ce que fait que ma position est contre ce texte.

 

 

 

Bouchera Azouz, féministe

C'est la deuxième partie de ma remarque. Non, ce que je voulais dire, c'est que néanmoins, symboliquement, le fait de dire on s’attaque quand même à ceux qui, globalement, jusqu'à présent n’étaient pas inquiétés, c'est-à-dire les clients, c'est quand même d’une certaine manière une avancée. Vous avez les quartiers où vous avez des Chinois

 

es, où vous avez des Africaines, globalement ces femmes, il faut savoir qu’elles viennent avec un crédit sur le dos de plus de 30 000 euros parfois, avec des menaces qui pèsent aussi sur leurs familles qui sont restées dans les pays d’origine. Donc, je veux dire, il y a une réalité derrière ça. Alors moi, les 343 salauds qui vivent en dehors de notre monde et qui se paient des call-girls à des prix pharaoniques, ils sont complètement dans un autre univers.

    

 

 

 

Noémi Fischbein

Par ailleurs, vous parliez de l’absence de dispositif contre le proxénétisme, il existe déjà dans le Code pénal, dans le Code de procédure pénal des dispositions permettant de lutter contre le proxénétisme des dispositions permettant de lutter… Mais il en existe ou pas ? Parce que vous disiez, on ne voit rien dans cette loi qui permet de lutter contre le proxénétisme. C'était juste que vous disiez, je vous réponds, il existe d’autres dispositions. Je parle de la loi, je ne parle pas… Oui, mais… Et enfin, je ne prétends pas évidemment qu’avec une loi pareille, je l’espère, mais je ne prétends pas, qu’on pourra mettre fin définitivement à la prostitution. Evidemment, elle continuera à exister, mais je tiens à signaler que le viol et le meurtre sont pénalisés depuis de très nombreuses années et ce n'est pas pour autant qu’ils n’existent pas.

 

 

 

Une intervenante

En ce moment, une pétition circule sur le revenu de base universel. Est-ce que ce ne serait pas une solution à la précarité économique qui pousse les femmes à accepter des boulots sous-payés, des mi-temps, le fait que si elles veulent à un moment donné se poser pour s’occuper de leurs enfants, c’est compliqué, il faut prendre des horaires de nuit.

Pour ceux qui ne savent pas, de ce que j’en ai compris, cela permettrait d’avoir sans conditions un revenu, puisque dans la Constitution des droits de l’homme, il est dit à un endroit qu’on devrait pouvoir tous avoir de quoi subvenir à nos besoins « primaires », c’est-à-dire se loger, manger…

 

 

 

Bouchera Azouz, féministe

Dans les années 80, l’emploi à temps partiel a été spécifiquement conçu pour les femmes, parce que finalement cela dédouane le fait de ne pas avoir de politique ambitieuse par rapport à la garde des enfants… Je rappelle qu’en France 43 % des enfants de moins de 3 ans ont une solution de garde, 13 % seulement en crèche et les autres doivent se tourner vers d’autres modes de garde, assistantes maternelles, etc…

 

 

 

Ahmed Serraj, Président de la Fédération nationale des maisons des potes

Ce sont des sujets fondamentaux. Il y a des réactions homophobes, des réactions sexistes, mais aussi une absence d’espaces, de lieux où l’on puisse discuter, débattre, mettre le doute, créer la confrontation dans un cadre respectueux. Nous à Bordeaux, nous avons une expérience une expérience de temps de discussion et de débat citoyen entre la protection judiciaire de la jeunesse et des jeunes garçons d’une vingtaine d’années qui ont commis des délits, et cela en alternative à des incarcérations. Les sujets qui reviennent régulièrement sont les rapports garçons/filles, hommes/femmes et l’orientation sexuelle.

 

 

 

Mimouna Adjam,Présidente d'Africa La Courneuve

J’habite à La Courneuve ? Ces deux dernières années, deux femmes ont été assassinées par leur mari, dont une qui a été égorgée l’année dernière devant ses enfants et sa propre mère, alors qu’elle était enceinte de 7 mois. On était 30 à la manifestation à La Courneuve. Et on nous a interdit de manifester publiquement de peur de stigmatiser les musulmans parce que c’était en plein Ramadan. Je ne choisis pas dans mes soutiens. Une femme est agressée à Argenteuil parce qu’elle est musulmane, bien évidemment que je la soutiens parce que sinon mon combat ne sert à rien. Je la soutiens parce que c’est une femme. Une femme se fait tuer à La Courneuve, je vais la soutenir aussi.

 

 


 

 

 

Mimouna Adjam,Présidente d'Africa La Courneuve

Alors, il y a beaucoup de choses qui ont été dites sur le sujet pour lequel on m’a demandé d’intervenir et je ne vais pas revenir sur voilà… Parce que la précédente intervenante l’a extrêmement bien fait au niveau de toutes les inégalités aussi bien en Europe qu’en France. Mais je voudrais revenir moi sur l’intitulé de la table ronde qui est « unir les combats féministes et LGBT », donc unir. Et moi, tout de suite, la question c'est comment on fait pour unir ces combats ? Moi, je vous dis d’où je parle donc de quartier populaire en Seine-Saint-Denis, LGBT, on ne connaît pas, on ne sait pas ce que c'est, voilà. Après, quand on peut donner les explications, c'est tout de suite le refus, le rejet et ça s’est fortement manifesté de manière très claire, justement à l’occasion du vote de la loi sur le mariage pour tous où nous, personnellement, on a vu des gens qu’on pensait vraiment alliés à notre cause féministe et donc pour des droits des uns et des autres, bizarrement, relayer par voie de presse, relayer sur les réseaux sociaux, toutes les manifestations qu’il y a eues contre le mariage pour tous. Voilà, moi, je suis d'accord avec la copine qui a parlé avec moi. Moi, je ne suis pas… Voilà, le mariage, ce n'est pas mon truc spécialement, mais voilà, on estime que c'est un droit qui est donné aux hommes et aux femmes qui le souhaitent. Vous savez que la France a signé avec pas mal de pays issus de la colonisation, en sachant que les conventions bilatérales, aujourd'hui, elles sont supérieures en droit aux lois nationales qui sont votées ici. Par exemple, une femme, il y en a plein chez nous qui ont découvert qu’elles étaient répudiées en Algérie, au Maroc, au Mali, ça a été reconnu par la France. Parce qu'en gros, un homme, qui a envie d’emmerder sa femme, qui a envie de lui emmener ses gosses, qui a envie d’emmener les gosses au pays d’origine, c'est très simple. Il n’a pas du tout envie d’affronter le droit français, parce qu'il sait que le droit français donne quand même quelques droits aux femmes, donc il va aller en Algérie et il va lui dire, je te répudie et la femme, elle le saura même pas. Donc, je vous cache pas qu’avec les mariages forcés, les mariages arrangés qui ont lieu dans les pays d’origine, ça s’est révélé assez catastrophique pour bon nombre de jeunes femmes qui sont venues dans le cadre du regroupement familial et à qui on a retiré les papiers. Donc, on a découvert à l’occasion du mariage pour tous que ces conventions bilatérales, elles concernaient aussi le mariage des gens du même sexe, puisque 11 pays sont exclus de cette loi pour le mariage pour tous. En gros, un Français ou une Française qui veut se marier avec un Algérien ou une Algérienne ou un Français d’ici, qui veut se marier avec un Marocain ou même avec un Polonais, parce que ça ne concerne pas que les pays du Maghreb, il ne peut pas se marier. Par rapport au statut des conjoints rejoignant dans le cadre du regroupement familial, juste je vous informe que nous, notre association, on a déposé des amendements qui vont être proposés par la députée de notre coin, qui est Marie-Georges Buffet et que ça viendra en discussion le 21 janvier. Et je vous demande à tous et à toutes de soutenir ces amendements, parce que ça fait plus de 30 ans qu’on réclame ce statut autonome pour les femmes mais aussi bien pour les hommes. Et ça concernera aussi du coup les couples LGBT et donc, ça sera une première étape, en tout cas, je pense vers ce combat commun entre nous.


 

 

 

 

Fatima EZAHRA BENOMAR, SG des Effrontées 

 

Je pense que la parité a éveillé des débats qui étaient assez légitimes en fait, même si je suis complètement pour les lois sur la parité. C’est tout simplement un rattrapage face à une énorme anomalie de l’Histoire de France. C’est que l’Histoire de France et de la Révolution surtout, des Lumières, elle s’est battue pour le suffrage universel, mais en fait, elle s’est battue pour le suffrage universel masculin, pour la moitié des citoyens seulement. Et que les féministes, les femmes, comme elles étaient écartées des lieux de décision et de pouvoir, on était obligé de passer par la loi pour pouvoir sur le tard, arriver à gagner au moins le statut de citoyenne, qui pouvait aussi nous gagner des droits fondamentaux. L’UE s’y intéresse, encore heureux. Donc la législation européenne sur l’égalité entre les femmes et les hommes a pu être à peu près développée et c’est un principe reconnu comme fondamental dans les traités, etc. Il y a eu des textes qui veulent garantir l’égalité salariale alors que ce n’est une réalité dans aucun pays européen l’égalité salariale. Et parfois, on arrive paradoxalement aussi à faire régresser les droits des femmes au nom de l’égalité et contre les discriminations, puisque c’est au nom de l’égalité que le droit communautaire a supprimé l’interdiction du travail de nuit des femmes. Le droit à l’avortement n’est absolument pas un droit européen. En Pologne, depuis 97, c’est seulement à certaines conditions, notamment le viol ou l’anomalie du fœtus. Et en Irlande, ça a été rejeté par référendum par 67 % de la population en 93. Et moi, je tiens beaucoup à la phrase de Françoise Héritier, qui dit, quand il y a eu le droit à l’avortement et à la contraception pour les femmes, ça a été un plus grand pas que le pas sur la lune. Ça a été une vraie révolution, ça touche à leur liberté sexuelle, à leur liberté de disposer de leur corps, sans l’épée de Damoclès du risque de tomber enceinte, d’une grossesse non désirée. Et il faut savoir que quand il y a des plans d’austérité, les femmes sont les premières victimes pour tout un tas de raisons. Par exemple, en France, on a vu d’énormes fermetures de maternité, de centres IVG qui remettent en cause le droit à l’avortement dans les faits, même si c’est inscrit dans la loi pour des raisons purement budgétaires. Ça a été la loi HPST qui, tout simplement, pour des raisons de rentabilité commence à restructurer l’hôpital public et à fermer beaucoup de centres d’IVG.

En France, il n'y a que 10 % des enfants qui peuvent être reçus en crèche et là aussi, c’est pas parce que c'est la crise et l’austérité que les stéréotypes des gens vont être remis en cause, ce sont les femmes qui vont arrêter de travailler ou subir le temps partiel pour pouvoir s’occuper des enfants. Et nous, on trouve que donc non seulement, c'est un système très autoritaire, parce que c'est l’Europe qui somme les pays sous peine de sanctions de baisser leurs dépenses publiques et même quand elles sont pour l’intérêt général et notamment pour les droits des femmes. Et en plus, c'est un système qui est parfaitement inefficace, on ne voit pas du tout ni en Grèce, ni en Espagne, ni au Portugal que ça s’améliore. Au contraire, ça s’empire, c'est quelque chose qui gèle complètement les capacités des pays à donner de l’emploi, à se soigner correctement, ça sert aussi à relancer l’économie. C'est vrai qu’il y a eu un débat au moment du mariage pour tous, parce que traditionnellement, le mouvement féministe n’est pas le plus nuptialiste qu’on connaisse. Les droits des femmes, encore une fois, étaient passés à l’as puisque malgré les promesses de campagne, on n’a pas eu le droit à la PMA (la Procréation Médicalement Assistée), là aussi qui a été sacrifié, parce qu'il ne fallait pas non plus trop déplaire à toutes les personnes réactionnaires qui sont dans ce pays. Et comme le mouvement LGBT reproduit lui-même des systèmes aussi de domination, on voit souvent que les associations lesbiennes se regroupent à part, comme il y a eu la création du collectif Oui oui oui pour donner de la visibilité aux revendications des lesbiennes, ce que finalement reproche le système patriarcal aux femmes homosexuelles, c'est de se passer de l’autorité de l’homme. Et en plus, ça remet en cause la base de la thèse patriarcale, c'est la complémentarité entre les femmes et les hommes. Il est clair que dans le fond, c'est une lutte commune. Je vais m’arrêter là en attendant les questions.


 

 

 

Sergio Coronado, Député EELV

On a assisté à une convergence des luttes entres les mouvements féministes et les mouvements, pour dire les choses très largement, de la libération sexuelle qui incluaient évidemment les mouvements LGBT. Cette arrivée de la gauche au pouvoir, c’est la consécration justement de ces convergences, de ces luttes qui convergent. Puisque la gauche, ce n’est pas simplement la longue marche de Mitterrand dans l’accès au pouvoir, mais c’est aussi le dialogue que le parti socialiste au cours des années 70 avait entretenu avec les mouvements féministes, avec les mouvements écologistes, avec une partie des mouvements LGBT. Et donc il s’était nourri dans cette conquête du pouvoir de la mobilisation de ces organisations et de ces mouvements sociaux mais également de leurs interrogations, de leurs demandes, de leurs revendications. D’abord, on est dans un système, qui est hérité des Lumières où les spécificités, les particularismes, les appartenances communautaires sont souvent mal vus si ce n’est niés… En France, la conception que l’on hérite des Lumières, c’est celle d’un universalisme abstrait. Un certain nombre de figures importantes, et pour ne pas la citer puisqu’elle est toujours présente dans le débat public, Elisabeth Badinter considérait qu’une avancée ne pouvait pas se faire par l’adoption de ce qu’elle a appelé un quota. Elle disait en fait, les femmes, les réduire à leur sexe, c’est vraiment une régression. Alors que d’autres considéraient qu’au fond, il fallait s’attaquer à des conditions concrètes de l’exercice du pouvoir et de leur représentation politique et qu’on avait plus à perdre, en continuant à maintenir un système inégalitaire où les femmes étaient peu représentées, qu’à faire un pas un peu de travers, puisque l’adoption de la loi de la parité figure au fond pour certains, comme une espèce d’adoption d’une politique qui nous est étrangère, c'est-à-dire de la discrimination positive. Evidemment, on nous a invoqué toute une série de prétextes pour s’y opposer, d’abord l’universalisme abstrait qui caractérise l’Histoire française et qui est très présent dans l’Histoire de la gauche française. On l’a vu encore récemment, puisque moi, j’en étais partie prenante de ce débat sur la prostitution. Il y a une partie du mouvement féministe qui considère qu’il faut effectivement s’attaquer à la traite et à l’esclavage et qu’en même temps, c’est une erreur de considérer que la prostitution se réduise ou soit réductible à l’esclavage. Et qu’à partir de là, autant il faut s’attaquer à ce fléau, autant venir et intervenir dans des rapports entre majeurs consentants est problématique. Il faut quand même interroger à la fois le fonctionnement de notre démocratie et le fonctionnement d’une partie de la gauche, qui a un modèle extrêmement figé où l’universalisme républicain où la laïcité, où le jacobinisme s’opposent à la reconnaissance et à la prise en compte des spécificités. Ceux qu’on a en face, les racistes, ceux qui se contentent du cours du monde tel qu’il va, ils sont souvent très unis, ils sont souvent très unis pour que rien ne change. Voilà merci.


 

 

 

Jona Hoxha, KifKif

A mon avis, il doit y avoir plus de soutien du gouvernement, car en vérité, les organisations n’ont pas reçu le soutien et les ressources nécessaires pour faire certains efforts résultants d’une organisation. Par exemple, la Belgique est tellement économisée que les organisations ne reçoivent pas tous les soutiens dont ils ont besoin. Donc l’Etat joue un rôle important, crucial dans la lutte contre la violence faite aux femmes. Une autre chose est que les organisations ne sont pas toujours connues chez les femmes qui ont besoin. Pour ça, je trouve que les organisations doivent faire plus de réclames pour se connaître et pourquoi est-il important qu’on lutte pour l’égalité des lesbiennes, les gays, bisexuels et la lutte pour les femmes et les homosexuels, c’est un peu la même. Ça vient toujours d’une nécessité d’avoir les mêmes droits que les autres. Tu ne peux pas lutter pour l’égalité entre les groupes ethniques, puis en même temps, ne pas lutter pour l’égalité entre hommes et femmes ou pour les gens avec une autre sexualité. Par exemple, les civil rights movement aux Etats-Unis des années 60 où les femmes et hommes allaient lutter pour l’égalité, mais où la femme était battue le soir à la maison. Donc en fait, la lutte pour la femme et l’homosexuel est la même, mais ça doit être lutté ensemble. Les différentes organisations qui luttent pour les droits des homosexuels et des femmes migrants ici partent tous avec une pensée et un besoin de protéger les droits individuels pour faire ce combat, tu peux utiliser des ressources différentes : un, la sensibilisation, donner des informations et deux, avoir des modèles, des représentants, par exemple, les médias, qui sont dans les autres fonctions pour pouvoir casser ce tabou.