LUTTER CONTRE L’EXTRÊME DROITE RACISTE ET XENOPHOBE EN EUROPE

 

Un intervenant

Je n’ai vraiment aucun problème avec la laïcité, c'est quelque chose que je respecte, c'est quelque chose qui est important pour la France, c'est quelque chose qui est inscrit dans la République, dans la démocratie étant donné que c'est la séparation entre la religion et l’Etat. On peut voir par exemple, de hauts dignitaires comme Manuel Valls ou François Hollande porter par exemple La kippa sur des images de journalistes, donc c'est accrédité presse où on voit donc les politiques avec par exemple la kippa et ensuite, ce débat avec le voile qui dit qu’on n’a pas à porter de signe ostentatoire. Est-ce qu'il ne serait pas aussi plus important de ne pas voir par exemple, des hommes politiques, donc des hauts dignitaires, des représentants de la France porter justement ces signes qui seraient entre guillemets ostentatoires ?

 

 

 

Nisrine Zaibi, Vice-présidente de la région Bourgogne

Il y a deux poids deux mesures dans la laïcité aujourd'hui, c'est qu’on a tendance d'ailleurs à ne pas être très clair, notamment les pouvoirs politiques. Les acteurs, enfin de la société civile aujourd'hui ne sont pas très clairs avec la laïcité. C'est qu’on a l’impression finalement qu’il y a une laïcité pour une confession particulière, mais pour le reste, on n’est pas forcément très laïc. C'est le ressenti finalement de la plupart des citoyens en fait. Le ressenti, on est tous conscient du ressenti, on est tous conscient que le nombre de débats que nous avons dû avoir sur ces questions-là ont épuisé la patience de gens qui ont l’impression d’être toujours toujours pointés du doigt. Ayons cette intelligence des espaces. L’école publique, quand on va à l'époque publique, qu’on soit prof ou qu’on soit un écolier, c'est le temple de l’apprentissage des valeurs citoyennes, dont la question de l’égalité et de la fraternité. Et en l’occurrence, pourquoi le voile fait plus débat que d’autres signes religieux, qu’une petite croix ou qu’une kippa ? C'est parce qu'il pose une double question, il pose la question religieuse, de l’appartenance confessionnelle, de l’affichage confessionnel, mais il pose aussi la question de se rattacher à un symbole politique de séparation homme femme dans un contexte de remontée de mouvements intégristes qui font de cet emblème un emblème politique. Donc forcément, la charge polémique est beaucoup plus forte sur cette question-là, sur ce signe-là que sur les autres signes.

 

 

 

Caroline Fourest, écrivaine, journaliste

On est tous conscient du ressenti. On est tous conscient que le nombre de débats que nous avons pu avoir sur ces questions-là a épuisé la patience de gens qui ont l’impression d’être toujours toujours pointés du doigt. Ayons cette intelligence des espaces. Que l’on soit prof ou écolier, l’école publique est le temple de l’apprentissage des valeurs citoyennes dont les valeurs de l’égalité et la fraternité. Et en l’occurrence, pourquoi le voile fait-il plus débat que d’autres signes religieux, c’est parce qu’il pose une double question. La question religieuse de l’appartenance ou de l’affichage confessionel(le), mais il pose aussi la question du rattachement à un symbole politique de séparation homme/femme dans un contexte de remontée de mouvements intégristes qui font de cet emblème politique. Donc forcément, la charge polémique est beaucoup plus forte sur ce signe-là que sur d’autres signes.

 

 

 

Un intervenant

Moi, je vais parler de l’extrémisme musulman, que je connais le mieux parce que moi-même, je suis musulman et puis c'est une question que je connais le mieux. Je me suis aperçu que pour qu’ils puissent vraiment réaliser leur projet, ils essaient au sein de la communauté musulmane, au sein des musulmans d’être revendicatifs d’un certain nombre de revendications qui relèvent beaucoup plus du fondamentalisme musulman, par exemple, on en a parlé, le port du voile de la femme musulmane, ce qu’on appelle la viande halal, l’interdiction aux femmes musulmanes de se marier avec les non-musulmans, etc. Ce sont vraiment des pratiques qui ne relèvent pas du tout des fondements de l’Islam, qui ne relèvent pas du tout, je veux dire des interdits ou des autorisations musulmanes, mais beaucoup plus d’une doctrine qui est le 0 :10 :05 et qu’on essaie de diffuser effectivement en France et en Europe, alors que ces mêmes organisations et beaucoup de musulmans disent, oui, mais l’Islam, il peut s’adapter effectivement au contexte français, le contexte laïc, sécularisé, etc. Par contre, ils montent au front pour justement mettre la pression pour que, comment dirais-je, les institutions puissent céder sûr ces questions-là.

 

 

 

Un intervenant

Ce n'est pas seulement Marine Le Pen qui est dangereuse en soi, c'est une mutation entre un parti aux origines poujadistes, racistes, populistes qui est en train de faire une mutation, et là que je qualifierais de mussolinien et de national socialiste.

 

 

 

Un intervenant

En interdisant le port de signe ostentatoire, ils peuvent sortir, un autre camarade de classe peut voir son autre camarade porter une kippa et en rentrant à l’école, il va lui dire : oui, tu te caches d’être juif ? Je ne sais quoi. Après, c'est comme ça, on ne leur apprend pas à l’école à vivre ensemble, on leur apprend à se cacher, à dissimuler leur religion.

 

 

 

Loïc Rigaud

Il faut dénoncer le port du voile, quand il est là. Par ailleurs, il ne faut pas pour autant oublier de défendre les opprimés parce qu'ils portent le voile. Quand des gens sont tabassés parce qu'ils portent le voile, il faut les dénoncer. Je ne parle pas forcément pour Caroline FOUREST qui régulièrement intervient là-dessus. Les mouvements antiracistes ont aussi oublié ça.

 

 

 

Ahmed Madi Moussa

Vous avez vu comme ça peut enflammer beaucoup les choses et le fait aussi de beaucoup pointer du doigt, parce que derrière ce voile-là, il y a des êtres humains et il y a une vraie souffrance derrière ces personnes-là. Et j'ai l'impression que les politiques, ils ne s’en rendent pas, et même les médias, ils ne se rendent pas forcément compte du mal qu’ils font.

 

 

 

Une intervenante

Madame FOUREST, vous avez fait un très grand travail au niveau de ce qui concerne le Front National. Ce qui veut dire que vous n’êtes pas assise là et vous nous dites voilà, il y a ceci, il y a cela, il y a patati, il y a patata. Vous avez fait un travail de terrain, vous êtes allée, vous vous êtes infiltrée et vous avez rapporté un travail profond pour dire : le Front National est toxique.

 

 

 

Un intervenant

Alors jeunes amis d’origine musulmane, si vous vous assignez une identité vous-mêmes, une identité religieuse, vous faites le jeu du Front National. La laïcité vous assure en France l’égalité des droits. Dans l’espace public, il n'y a pas de juif, il n'y a pas de musulman, il y a des Français.

 

 

 

Alexis Corbière, Secrétaire National du PG

Je n’accepte pas qu’on dise qu’il y aurait un dogme laïc. Les laïcards qui défendent trop la laïcité seraient liberticides. Les amis, n’utilisez pas ce vocabulaire. C’est le vocabulaire utilisé depuis un siècle par les ennemis de la laïcité. La laïcité est un rapport de force. Il n’y a pas de laïcité apaisée. Dans ce pays, cela a pris des siècles pour arracher à une religion, qui était une religion d’Etat, un pouvoir politique, financier et religieux. La laïcité, il faut la défendre parce qu’elle peut être remise en cause par des gens qui effectivement veulent faire en sorte qu’il y a aujourd’hui une communautarisation, qu’aujourd’hui le libéralisme aille de pair avec pour seul projet de société, de la religion, de la religion pour expliquer les inégalités. Parce que le monde est dégueulasse, on vous propose une spiritualité qui vous dit « Ici, c’est dégueulasse, mais dans le ciel ça ira mieux. » Cela a toujours été la ruse des religions même si je défends la liberté de conscience. Il y a un projet politique.

Je suis allé trop loin dans mon propos, mais une fois que j’ai dit ça, la laïcité c’est la liberté de conscience.

  

 

 

 

Caroline Fourest, écrivaine, journaliste

C’est un discours que je connais par cœur et qui est revenu dans plusieurs interventions. J’ai 37 ans, je suis femme, je suis lesbienne, je sais les obstacles qui ont été sur ma route pour être là où je suis, j’ai 15 ans de travail sur les intégrismes religieux et contre tous les racismes derrière moi, je ne m’excuse de rien. Et quand je me fais sortir des plateaux de télévision, où je ne demande pas à aller par ailleurs, parce que le Front National demande que je ne sois pas invitée. On m’y invite parce que je dis en peu de mots des choses complexes. Je peux vous dire que oui, il faut qu’il y ait une parole médiatique aujourd’hui qui décortique les discours de l’extrême-droite. Et excusez-moi de vous dire que le combat pour le fait d’afficher en permanence, et de confondre son identité avec une identité religieuse, est un combat éminemment réactionnaire. Essayer de faire la différence entre deux choses. On peut encore une fois se battre pour le respect de la liberté religieuse. Dans la rue, on l’a dit.

Présupposer ce que l’autre va dire est aussi un gros défaut. Qui fait en sorte que l’Islam soit montré du doigt ? Ceux qui l’instrumentalisent. Je suis désolée. Ayez un petit peu de colère pour ceux qui mettent la religion à toutes les sauces. Le combat que nous menons, nous partisans de l’égalité, de la laïcité, nous le menons en solidarité avec des Algériens, avec des Tunisiens, avec des Egyptiens, qui en ce moment-même perdent des libertés jour après jour, qui en ce moment-même sont en train de se faire voler leur révolution.

 

 

 

 

 

Alexis Corbière, Secrétaire National du PG

Je ne crois plus à la pertinence du combat antiraciste qui n’est pas adossé à un projet social et à un projet politique. La force de l’extrême-droite, c’est qu’elle donne l’impression bien souvent qu’elle apparaît dans le champ politique comme la seule en capacité de changer les choses. Pardon, je suis un peu radoteur, mais quand pour aborder la question de l’Europe, revenons à 2005 et au grand débat qui a eu lieu dans le pays. Quelle que soit la position que l’on a, les uns et les autres, sur le traité constitutionnel, c’était intéressant. On a un référendum. A l’arrivée, il y a un vote, qui est clair au terme d’un débat pendant lequel ce pays a vraiment discuté sur des sujets ardus. Le « non » l’a emporté mais le texte rejeté a été mis en place quelques mois plus tard. Cela donne le sentiment que « cette Europe » avance, peu importe ce qu’on en dit. Cela ne sert à rien d’aller voter. Un homme comme Gilbert Collard qui est d’extrême-droite et qui parade, est élu à la faveur d’une triangulaire. Il fait 20 % du corps électoral. Et là vous avez une situation extrêmement explosive. Le sentiment qu’on partage tous c’est que beaucoup de gens qui votent Front National, aujourd’hui ont le sentiment qu’avec eux cela va changer. Ce qui est une caractéristique élémentaire à travers l’histoire de l’extrême-droite qui a toujours eu d’ailleurs une silhouette de force révolutionnaire et contestatrice de l’ordre établi. Il y a des gens qui découvrent parfois que le Front National a un discours un peu anticapitaliste et révolutionnaire ; mais pardon, c’est une grande banalité. Le fascisme a toujours été, à travers l’histoire, une force qui n’est ni de droite ni de gauche. « A bas les Juifs et les patrons », c’est une caractéristique propre du nazisme ou du fascisme italien. Ils disent beaucoup de choses qui peuvent ressembler à un discours de gauche, mais jamais ils ne sont pour un partage des richesses qui organise différemment l’actuel et qui, selon moi, permet de mener une politique sociale. 48 heures après la mort de Clément Méric, la tonalité médiatique était qu’il ne l’avait pas volé, qu’il l’avait bien cherché, que c’était lui qui avait déclenché la bagarre. Et vous avez eu Serge Ayoub, alias Batskin, invité par nombre de télés –j’ai vécu ça personnellement, j’ai été invité sur un plateau de télé juste après lui– et quand j’ai demandé au journaliste pourquoi ils l’invitaient, lui qui n’est même pas du Front National mais qui ne représente qu’un groupuscule, il m’a répondu : « Il a le droit de donner son opinion, cela intéresse les gens de connaître son opinion. » Moi je défends un grand service public de la petite enfance. Service public, comme l’école. Parce que de plus en plus se pose le problème du nombre de crèches en milieu urbain, sinon ce sont les femmes qui doivent rester à la maison pour garder les enfants. Ce service est souvent confié à des associations, qui souvent sont des associations confessionnelles. Je suis élu de Paris, et c’est un désaccord de fond que j’ai avec Bertrand Delanoë. Je ne suis pas d’accord avec le fait que la ville de Paris verse chaque année 2,2 millions d’euros à des crèches confessionnelles Loubavitch. Idem Baby Loup. Hé bien moi, je suis pour, même si peut-être ce n’était pas écrit dans le règlement intérieur, qu’une présidente d’association veuille faire une crèche laïque dans laquelle le personnel ne porte pas de signes religieux. Il y a des batailles. Comment défendre la laïcité aujourd’hui, déjà en défendant la loi qui existe, et en la faisant comprendre, en organisant des réunions pour expliquer en quoi elle est d’une grande modernité.