JUSTICE AGAINST DISCRIMINATION

Rachid Allaoui, sociologue

La représentation, c’est une image que nous avons dans notre tête et qui médiatise notre rapport au réel. C’est l’idée toute faite qu’on se fait de l’autre. Or, en parlant du testing, j’ai été stupéfait d’entendre qu’il y avait trois catégories : les Arabes, les Noirs et les Blancs. Il y a des Arabes noirs, il y a des Arabes blancs, il y a des Arabes basanés etc… Donc si ceux qui sont censés mettre en place des testings véhiculent eux-mêmes des représentations, je partage le point de vue qui dit qu’il faut des formations. Que ceux qui veulent donner des leçons aux autres commencent par balayer devant leur propre porte. C’est la remarque préalable.

 

 

 

Naïla Dzanouni - Brousse de Laborde

Pour prouver la discrimination, il faut quand même se mettre un peu dans la tête des racistes. Si on ne s’y met pas 3 secondes, si on n’admet pas leur vision des choses, on ne pourra jamais rien prouver.

  

 

 

 

Noémi Fischein

Alors, je ne sais pas si vous en avez entendu parler, mais il y a des sites qui existent et qui se développent, qui existent encore aujourd'hui, qui se multiplient, qui profitent de leur hébergement à l’étranger, généralement aux États-Unis où la liberté d’expression est très large et englobe notamment la possibilité de tenir des propos racistes. Bref, de ces sites qui profitent de cet hébergement à l’étranger pour poster des commentaires d’une haine rare, glorifiant Hitler et son action par exemple, et qui s’analysent juridiquement comme une incitation manifeste à la haine, à la violence ou à la discrimination envers un groupe de personnes en raison de critères différents.

 

 

 

Un intervenant

Ce ne sont pas seulement des sites racistes qui existent sur internet. Il m’arrive souvent de visionner sur Youtube des documentaires sur la Seconde Guerre Mondiale, sur des sujets historiques, et vous allez avoir en-dessous des commentaires qui sont absolument délirants. Si vous êtes sur un sujet d’actualité, la guerre israélo-arabe en 67, l’histoire de l’extrême-droite française, des faits historiques qui n’ont pas de connotation à priori, vous allez avoir une série de commentaires absolument déments. Le racisme se propage actuellement à travers internet qui en est devenu un instrument de propagation extraordinaire. La réponse juridique est extrêmement compliquée car ces sites sont souvent hébergés à l’étranger.

 

 

 

Paul Lappalainen

Alors, en Suède, on a une loi qui impute la discrimination comme un crime, sauf qu’aujourd'hui, le seul moyen de pouvoir utiliser cette loi pour que la personne soit condamnée, c'est que la personne qui fait la discrimination se lève et dise : je déteste les noirs, c'est pour ça que je leur ai refusé l’accès à mon restaurant.

 

 

Daniela Almer, porte-parole d’une association Autrichienne de lutte contre les discriminations

Donc en Autriche, c'est la même chose, il y a le même système, enfin il y a le même schéma qui est mis en place dans la société.

 

 

 

Un intervenant

Je me dis que c'est peut-être une partie de la solution, c'est-à-dire favoriser le vivre ensemble. Qu'est-ce qui fait qu’à un moment, il y a des discriminations ? A un moment, il y a la libération au niveau de la parole, au niveau du racisme. Et si on veut peut-être éradiquer justement tous ces problèmes liés aux discriminations, peut-être qu’à un moment, qu’il faut éradiquer tout simplement les partis racistes qui existent, qui sont soi-disant des partis qui doivent exister parce que c'est la démocratie ; être raciste, c'est normal.

 

 

 

 

 

Lev Fortser avocat

Vous avez l’article 1er de la déclaration des droits de l’Homme de 1789, qu’il est bon quand même de rappeler : « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Nous avons la possibilité, cher Jérôme, alors c'est vrai que ce n'est pas dans tous les dossiers et que c'est à manier avec beaucoup de délicatesse, la possibilité d’aller en citation directe devant les tribunaux. Et lorsque le procureur décide ou a la paresse ou la fatigue de ne pas poursuivre, de déposer une plainte avec constitution de partie civile devant les magistrats instructeurs. La loi garantie à la femme dans tous les domaines les droits égaux à ceux de l’homme, 46. Vous me direz qu’en Tunisie, les femmes avaient déjà le droit de vote avant la France. Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République, il faudrait rappeler ça à certains ministres de tout bord. Chacun a le devoir de travailler, le droit d’obtenir un emploi, le droit d’obtenir un emploi. C'est peut-être applicable dans une réflexion qu’on ne va pas mener ici par rapport au chômage. Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. Je vous renvoie parce qu'un discours, ce n'est pas du tout le fait de vous imposer une connaissance ou de vous imposer un mode de pensée. Ça doit susciter de votre part l’envie de chercher et là vous avez la référence. Relisez la déclaration des droits de l’Homme, ce n'est pas une évidence, relisez le préambule de la Constitution de 1946 qui est applicable et qui est énoncé comme applicable dans la Constitution de 58. Il n'y a pas, je dirais, une ligne à rajouter dans notre droit par rapport aux luttes contre les discriminations. Moi, je défends actuellement une gamine qui a été violée en tournante, la fameuse histoire de Créteil, 3 semaines à Évry dans un état déplorable, c'est le combat quotidien. Et nous revenons, cher ami, au débat que la Maison des potes avait fait mener sur l’accès à la justice. Et l’accès au droit, l’accès à la justice, c'est fondamentalement à côté de la prise de conscience, à côté de la formation permanente à laquelle on doit se soumettre individuellement, c'est le problème essentiel.

 


Justice : Lev Fortser, avocat par FNMDP

 

 

Hélène Franco Secrétaire nationale du PG en charge de la Justice

Sur les axes plus politiques et qui engagent la volonté politique, je voudrais très rapidement citer trois leviers de lutte contre les discriminations qui pourraient être mis en œuvre immédiatement par le politique et évidemment relayés ensuite par les moyens nécessaires, ce qui supposerait de remettre en cause les politiques d’austérité qu’on connaît. Premier axe, la lutte contre les contrôles d’identité au faciès. C'est un problème massif, c'est un problème d’humiliation quotidienne. Il faut modifier l’article 78-2 du code de procédure pénale et l’article 78-3 du code de procédure pénale. L’article 78-2, pour aller très vite, c'est : tout le monde peut être contrôlé. Pourquoi ? Parce que c'est lorsqu’il y a une raison plausible de soupçonner que quelqu'un vient de commettre une infraction, est en train de commettre une infraction ou s’apprête à commettre une infraction. C'est-à-dire que chacun de vous, évidemment, potentiellement, rentre dans le champ. Très rapidement, deuxième levier, l’action de groupe, il est quand même tout à fait étonnant que le ministère de la Justice soit aussi absent, aussi discret sur cette question-là. Il y a une proposition de loi de la sénatrice Esther Benbassa, c'est très bien, mais une proposition de loi, c'est moins efficace et plus long qu’un projet de loi. Pourquoi est-ce que cette question n’a pas été intégrée au projet de loi Hamon ? Et troisième axe, et là je rejoins tout à fait les là-dessus, troisième axe essentiel, c'est la facilitation de l’accès au droit. Et je dirais, au droit au singulier et aux droits au pluriel. C'est-à-dire que connaître ses droits. Et comme je suis candidate de liste dans le 11e arrondissement de Paris, je me suis penchée plus sérieusement sur ce qui se fait à Paris en matière d’accès aux droits et ce qui pourrait y être fait. Et ce que je peux vous dire, c'est qu’il y a à Paris, pour tout Paris, trois maisons de la justice et du droit, ça, c'est l’Etat. C'est le ministère de la Justice qui paie. Ce n'est pas beaucoup trois. La mairie de Paris, la municipalité de Paris a créé 5 points d’accès aux droits pour tout Paris plus 1 point plus spécifiquement dédié aux jeunes. Il y a une telle demande que ça ne peut pas être laissé uniquement au bénévolat. Et donc, il faut une professionnalisation de ces points d’accès aux droits et donc il faut de l’argent, il faut des moyens afférents. Et quand on sait comment sont traitées aujourd'hui les associations, et notamment les associations de lutte contre les discriminations, effectivement, on s’aperçoit qu’il y a quand même un très très gros souci de ce point de vue-là. Voilà, ce que je voulais vous dire rapidement. Je devrais partir dans ¼ d’heure, ce n'est pas pour fuir le débat, c'est juste pour laisser à mon amile soin d’avoir le dernier mot.


Justice : Hélène franco, Secrétaire nationale... par FNMDP

 

 

 

Loic Rigaud, vice président de la Maison des Potes de Lyon

On va présenter par exemple un couple de personnes noires, un couple de personnes arabes et un couple de personnes blanches et on va essayer de comparer la différence de traitement qu’ils vont subir à l’entrée de la boîte de nuit et voir si le vigile à l’entrée va accepter ou refuser la personne d’entrer. Et comme on aura pris soin de neutraliser les autres critères, à savoir globalement que les personnes aient à peu près le même âge, on est souvent un couple, une femme un homme dans tous les couples, pour pas que ça soit lié au sexe ou autre chose, on va essayer de neutraliser tous les critères, des gens qui seront habillés correctement pour qu’il n’y ait plus que la couleur de peau qui sépare ces personnes. Et si on constate que le couple de noirs, le couple d’arabes n’arrivent pas à rentrer dans la discothèque et que le couple de blancs arrive à rentrer alors qu’ils ne sont pas habitués pour autant, ça veut dire qu’on aura une preuve de cette discrimination-là. Les tribunaux l’ont reconnu grâce à l’action de SOS, qui a été longue. On n’a pas gagné tout de suite, c'est en 97 si je ne montre pas Samuel les premiers testings, 95 même… En 94 carrément. Au départ, c'étaient des testings où on faisait à 10 personnes, 15 personnes. C'est un outil qui nous permet de faire avancer le combat antiraciste et concrètement, puisqu’il fait condamner en fait les auteurs de ces discriminations-là. Et bien sûr c'est dans les discothèques, mais c'est aussi dans l’emploi, dans le logement, on peut retrouver le même procédé de comparaison. Et ensuite, comme en France aujourd'hui, c'est reconnu comme une preuve de la discrimination, on peut faire condamner les auteurs de ces discriminations. On a l’outil aujourd'hui en France, il faudrait rajouter, 2-3 choses. Les class actions en sont et je vais expliquer aussi peut-être qu'est-ce que c’est les class actions ou l’action de groupe. On a l’arsenal aujourd'hui judiciaire, il suffit de le faire appliquer et c'est ce qu’on fait en étant militant de la lutte judiciaire contre la discrimination. On fait appliquer le principe de notre République finalement. On a aujourd'hui 600 cheminots marocains, salariés dans toute la France à la SNCF qui ont eu un traitement différencié par rapport à leurs collègues cheminots français, puisqu'ils n’ont pas eu le droit au statut de cheminot public. Ils ont toujours été considérés comme des contractuels entre guillemets, puisque c'est un peu particulier au niveau des cheminots. Et aujourd'hui, ils partent 10 ans après leurs collègues à la retraite et ont des retraites 3 fois inférieures à leurs collègues. C'est aujourd'hui qu’ils se réveillent alors que ça fait 30 ans qu’ils ont été discriminés. On a plus de 600 personnes qui vont faire une procédure individuelle, parce que c'est le principe du droit français, devant le Conseil de Prud’hommes pour essayer de faire revendiquer leurs droits. Ils vont devoir prouver cette discrimination à chaque fois. Et comme chacun sait, c'est difficile de prouver une discrimination. Et l’action du groupe serait simplement qu’un petit groupe de personnes, accompagné d’avocats lance cette procédure et une fois qu’on a réussi à prouver que les tribunaux reconnaissent le système discriminatoire, les autres, quelque part, n’auraient plus qu’à aller au guichet pour prouver la situation qu’ils ont vécue et récupérer la réparation du préjudice qu’ils ont subi. Et ce n'est pas la morale qui fera arrêter ces pratiques-là, mais c'est bien les condamnations pécuniaires. Donc l’action de groupe, ça permettrait ça et on n’a pas besoin d’action de groupe pour faire ces actions judiciaires, mais ça serait en tout cas un plus au quotidien.

 


Justice : Loic Rigaud, Maison des Potes de Lyon par FNMDP