Débat de la table ronde sur le droit de vote des étrangers

Une intervenante

C’est difficile, parce que j’ai l’impression qu’en France, les élus nationaux ont du mal avec l’ouverture à l’autre. Je pèse mes mots parce que je suis interpelée par deux prises de paroles qui disent que la France a mal à sa République ou qu’elle a du mal avec ses valeurs. La France a du mal avec ses diversités noire et arabe, alors que la France est un pays tout de même il existe des Français noirs, depuis au moins 1946.

 

 

 

Un intervenant

Je ne pense pas que la majorité des Français ait du mal avec la composante musulmane ou noire. Il y a une libération de la parole raciste sur notre débat depuis quelques temps, encouragée par le discours de Grenoble de Sarkozy, la présence du Front National, et le côté timoré, il faut bien le dire, du Parti Socialiste par rapport à ça. Parce que le soutien à Madame Taubira, on l’a attendu bien longtemps. Moi, je me souviens quand on déterré ce pauvre monsieur à Carpentras, j’avais participé à la manifestation, il y avait du monde.

 

 

 

Un intervenant

Moi, je suis de la génération de 1976, en possession d’une carte de séjour. J’ai travaillé pendant une dizaine d’années, j’ai payé mes impôts sans problème, j’ai des enfants, ma femme est française. Pour moi le combat du droit de vote pour les étrangers a été une manœuvre politique du temps de Monsieur Sarkozy pour prendre un peu plus de voix. Tout cela pour dire que le combat va être dur.

 

 

 

Un intervenant

On peut, je pense, à l’issue des différentes tables rondes qui ont eu lieu jusqu’à maintenant, douter de la volonté de la majorité en place de rompre avec le climat dans lequel nous a bercés le précédent quinquennat. Que ce soit sur la question du droit de vote, du contrôle au faciès, de la politique d’exclusion vis-à-vis des Rroms et autres, c’est une question de volonté politique. Un programme politique avait été établi. On a voté pour que ce programme soit respecté. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Donc, j’ai une proposition. On s’est débarrassé du précédent Président, il n’y a qu’à se débarrasser de l’actuel.

 

 

Akli Mellouli, Maire adjoint de Bonneuil

Je suis socialiste. Je suis solidaire de ce gouvernement. Mais solidaire, ça ne veut pas dire être un benni oui-oui. Quand on est solidaire de quelqu’un, on lui dit quand il se trompe. Effectivement, je pense que sur le sujet, nous faisons une erreur de marquage sociétal notamment en France. Mais les bons sentiments et le supplément d’âme ne font pas une bonne politique. Sur les Rroms, je suis pour une politique des droits de l’homme, quand je considère les mesures qui sont appliqués et que je vois que 72 % des Français en sont satisfaits, l’entre-soi ne règle pas les choses. Il faut faire attention à bien porter le débat d’idées pour justement fédérer des gens et non pas penser qu’on a raison tout seul et qu’on est entre-soi.

 

 

 

Habiba Brigdade, secrétaire départementale de la LDH 92

Non, il ne s’agit pas d’un débat droite-gauche, mais d’un débat de progrès de la démocratie, comme on a pu l’avoir pour le droit de vote des femmes, comme on a pu l’avoir au moment de l’élargissement du suffrage universel qui passait de 21 ans à 18 ans. Et il est là le débat. Et il est complètement occulté, minimisé. Et du coup, on se retrouve avec quelque chose pour les étrangers.

 

 

 

Pierre Tartakovsky Président de la LDH

La question c’est peut-être moins d’attendre qu’il y ait des gens parfaits qui aient du courage politique que de se demander comment on reconstruit la conflictualité démocratique dans ce pays. Parce que le problème, c’est qu’on a un gouvernement qui a considéré qu’en étant élu, il fallait calmer et non cliver le pays. Tout ce qui était clivant était mauvais. D’ailleurs, après le « mariage pour tous » qui avait beaucoup clivé, on nous a dit que c’était fini, et que la grande loi de réforme sur la justice et la grande loi de réforme sur la fiscalité, on allait essayer de ne pas cliver. Cela a eu deux résultats. D’abord, il n’y a plus eu de politique du tout. Ne pas cliver, c’est ne pas prendre de décision. Et ça a pour résultat de multiplier tous les clivages, et les pires.

 

 

 

Rachid Allaoui, sociologue

Le Maroc est un pays qui vit une transition démocratique et qui vit également une transition au niveau de l’immigration puisque, comme vous le savez, il y a beaucoup d’Africains subsahariens qui ne peuvent plus passer de l’autre côté de la rive de la Méditerranée par défaut s’installent au Maroc. Mais il y a aussi des Espagnols avec la crise économique et des Français qui rentrent au Maroc pour travailler parce qu’il y a de grands projets structurants, et ils sont parfois dans l’illégalité. Le Maroc vient de voter une loi pour régulariser les sans-papiers, des Français, des Espagnols en situation irrégulière. Le Maroc vient d’accorder le droit de vote aux étrangers. Il suffit d’avoir cinq ans de présence sur le territoire.

  

 

 

 

Un intervenant

Est-ce que la France va toujours rester en retard ? Elle a été en retard pour accorder le droit de vote aux femmes qui n’a été accordé qu’en 1945 à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Est-ce que le rabaissement de l’âge du droit de vote, qui n’a été accordé qu’en 1974, n’a donné que du mauvais ? Quand on sait que la Constitution de 1793 parlait du citoyen comme une personne installée en France et y travaillant depuis une année, qui a rendu service à un orphelin, à une personne âgée. Malheureusement cette Constitution n’a pas été appliquée.

 

 

 

Une intervenante

On n’a même pas mis en avant la possibilité d’un principe de réciprocité. Beaucoup de pays de l’Union Européenne ont avancé sur la question et en France on a vraiment du retard. Cela fait 65 ans que ma mère vit en France. Son maire à Villeneuve-Leroy l’appelle pour distribuer des tracts alors qu’elle n’est pas française. Et là ça ne pose aucun problème à personne. Je suis un petit peu colère.

 

 

 

Saadane Chaïtelma, chargé de mission dans la lutte contre les discriminations à Saint-Herblain

Benjamin Stora nous a fait l’historique de l’immigration en France. Il est clair qu’aujourd’hui avec les temps qui courent et la crise, etc… je n’y crois plus au droit de vote. J’y ai cru en 1981 mais je n’y crois plus. Aujourd’hui, il faut se préoccuper de ramener les jeunes au vote, comme le dit leslogan de notre association « Je vote pour mes parents ». Parce que les jeunes dans les quartiers ne votent plus. Si on pouvait leur dire de venir voter ne serait-ce que pour leurs parents, selon la promesse qui leur avait été faite en 1981 « Venez voter pour vos parents ».